Taxé tantôt de « séquelle de l'histoire constitutionnelle » par Yves Mény, tantôt « d'anomalie constitutionnelle » par Lionel Jospin, ou bien encore de « maison de retraite pour privilégiés de la politique » par Noël Mamère, le Sénat n'est pas à l'abri des critiques. En France, Etat unitaire des plus centralisés, l'existence d'une Chambre Haute n'a pas la légitimité qu'elles ont dans les Etats fédéraux, où elles ne souffrent aucune contestation du fait qu'elles représentent au niveau fédéral les Etats fédéraux. On peut citer à ce titre le Sénat américain, le Bundesrat, ou encore le Conseil de la Fédération de Russie. A quoi peut donc bien servir le Sénat au sein de l'Etat jacobin ? L'article 24 de la Constitution de 1958 dispose qu' «Il [le Sénat] assure la représentation des collectivités territoriales de la République. Les Français établis hors de France sont représentés au Sénat».
Dans un Etat unitaire, le bicamérisme n'est pas la règle (les Etats d'Europe du Nord s'en passent très bien), mais il apparaît comme un modèle (sinon pourquoi les jeunes démocraties d'Europe de l'Est ont quasiment toutes instaurer un législatif à deux têtes ?), et ce malgré le fait qu'il soit le vestige d'un compromis fait à l'aristocratie (exemple : la Chambre des Lords britannique). Bien que le Sénat soit l'objet de critiques et paraisse conservateur du fait de son origine, de ses décisions et sa composition, les Français restent attachés au bicamérisme : par referendum, en 1946, ils refusent le monocamérisme ; et toujours par voie référendaire, en 1969, ils refusent la désintégration du Sénat orchestrée par le Général.
Dès lors, on peut s'interroger sur la valeur ajoutée d'une Haute Assemblée dans le cadre de la Ve République : le bicamérisme est-il justifiable et justifiée en France ?
Avant de constater que cette institution est, dans l'ordre actuelle des choses, caduque et qu'elle doit se réformer pour un meilleur fonctionnement des institutions (II) ; faisons un retour aux origines de l'existence même du Sénat, et de la volonté des constituants de 1958 de le confirmer et dans quelle optique (I).
[...] Duhamel. Il est vrai qu'une chambre qui ne peut plus prétendre au rôle de représentant des collectivités territoriales qui sont en quasi autogestion, et a vu son cœur de métier se resserrer autour de son travail législatif ne peut durablement être élu indirectement au second voir au troisième degré pour la majorité du collège d'électeurs. Une chambre majoritaire, une chambre proportionnelle, voilà qui réglera la querelle proportionnaliste- majoritariste. Au-delà de cet aspect simpliste, il est vrai que tenir à l'écart durablement du processus législatif des formations qui recueillent régulièrement 10% des suffrages aux différentes élections. [...]
[...] Or, on sait que cette institution réagit avec un temps de retard sur ces évolutions. En effet, changé en 1976, la répartition des sièges n'avait pas été modifiée depuis 1976. Et lorsque Lionel Jospin en 2000, tentait de modifier cette répartition (opération qui peut être réalisée par le biais d'une loi normale, donc forçant', révisable à la seule discrétion de l'Assemblée), le Conseil constitutionnelle déclara cette disposition non conforme à l'art Malgré la décision du Conseil constitutionnelle du 5 juillet 2000 de forcer la main au Sénat à tenir compte des évolutions démographiques, et la loi organique du 20 juillet 2003 à l'initiative des sénateurs étendant le nombre de sénateurs et réduisant la durée du mandat à 6 ans, on peut clairement constater une sous représentation des grandes communes à la faveur des petites. [...]
[...] Pendant longtemps le Sénat a su échapper à la bipolarisation, et par la même un conte poids au fait majoritaire, ce qui permettait un examen des textes plus serein. Le manichéisme idéologique souvent entretenu au Palais Bourbon, n'était pas de mise au Palais du Luxembourg [O. Duhamel]. Du fait de cette ‘ouverture' politique dans son recrutement, le Sénat est un outil nécessaire pour une politique paisible selon le mot du professeur Duhamel. C'est moins vrai aujourd'hui, et nous en verrons les conséquences. [...]
[...] Il reste que néanmoins, sur une réforme de portée plus générale sur l'existence même du Sénat et de son rôle face à la décentralisation, les sénateurs ont des vues très tranchées : s'ils perdent sur le terrain des collectivités locales leur mission première, ils ne seraient pas contre examiner d'égal à égal les textes avec l'Assemblée, comme le suggérait Christian Poncelet, Président du Sénat. Cependant, cette voie de réforme qualifiée par O. Duhamel de corporatives et réactionnaire dans le sens où elles reviennent aux sources du bicamérisme c'est-à-dire la limitation du pouvoir démocratique par le pouvoir aristocratique A noter que cette réforme ne sera jamais votée par une Assemblée Nationale qui se verrait réduire sa supériorité. La réforme électorale proportionnaliste. [...]
[...] Rôle et fonctionnement sous la Ve République La représentation des collectivités territoriales. Article 24-3 de la Constitution : [le Sénat] assure la représentation des collectivités territoriales de la République». Le collège électoral reflète cette volonté de représentation des collectivités territoriales : environ électeurs, dont 577 députés membres élus du Conseil supérieur des Français de l'étranger conseillers régionaux conseillers généraux, et conseillers municipaux ou délégués des conseils municipaux, soit 95% du collège électoral est issu du cadre communale. Le nombre de ces délégués des conseils municipaux qui constituent la majeure partie des électeurs varie selon l'importance de la population de la commune en question, conformément aux articles L.184 et L.185 du Code électoral [dans les communes de moins de habitants, les délégués sont entre 1 et 15 selon le nombre de conseillers municipaux ; dans les communes de plus de habitants, tout les conseillers municipaux sont électeurs ; dans les communes de plus de habitants, un délégué supplémentaire est élu par tranche de habitants au delà des 30 000]. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture