Le responsabilité administrative connaît, depuis quelques décennies, certaines évolutions, dont la plupart cherchent à renforcer les intérêts des administrés face à la puissance publique, s'aventurant ainsi en dehors des sentiers battus du célèbre adage : « le Roi ne peut mal faire ».
Les années 1960 ont déjà vu le passage de la « faute manifeste et d'une particulière gravité » ou « faute d'une exceptionnelle gravité » à celle qui nous intéresse aujourd'hui : la faute lourde. Cette inflexion vers plus de responsabilité de l'Etat allait dans le sens de l'arrêt Blanco du Tribunal des Conflits, pour qui les règles régissant la responsabilité administratives « varient suivant la nécessité de concilier les droits de l'Etat et les droits privés ». C'est à nouveau un assouplissement que l'on note aujourd'hui : alors qu'hier la faute lourde était la seule à même de mettre en jeu la responsabilité de l'Etat, c'est aujourd'hui la faute simple qui constitue la règle et remplace de plus en plus l'exigence d'une faute lourde. Comme l'écrit le professeur Chapus : « l'histoire de la faute lourde est celle de son recul ».
[...] ) En l'espèce, l'exigence de qualité du service hospitalier s'est accrue si bien que des lacunes caractérisées par le soin médical apporté à un malade, même si elles peuvent s'expliquer et ne sont pas vraiment scandaleuses, ne peuvent le laisser sans droit à réparation si elles ont eu pour lui des conséquences fâcheuses On note ici le pragmatisme habituel dont fait preuve le Conseil d'Etat, qui fait passer la responsabilité médicale de la faute lourde à la faute simple. Il en a été décidé ainsi également pour les actes du SAMU (CE Theux), les sauvetages en mer (CE Améon) ainsi que les actions de lutte contre les incendies (CE Comm. De Hannappes). [...]
[...] La faute lourde est alors une atténuation du principe d'irresponsabilité administrative. La responsabilité du fait du fonctionnement de la Justice Concernant les juridictions de l'ordre judiciaire, l'article 11 de la loi du 5 juillet 1972 dispose que l'Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la Justice en cas de faute lourde ou de déni de justice. Il en va de même pour la juridiction administrative, depuis l'arrêt Darmont du Conseil d'Etat de 1978. [...]
[...] Dans un arrêt du 27 juillet 1990, M. Bourgeois, le Conseil d'Etat a d'ailleurs considéré que l'erreur du fisc de retenir la somme de F de revenus au lieu des F déclarés par le plaignant est une faute simple de nature à engager la responsabilité de l'Etat, puisqu'il n'y avait pas de difficultés particulières de service en l'occurrence. Il existe ici un troisième bastion protégé par l'exigence de faute lourde : les activités de contrôle. Parce que l'on considère qu'il est plus difficile de contrôler que d'agir et que les autorités de contrôle n'ont pas toujours toutes les cartes en main, les activités de contrôle ne peuvent engager la responsabilité de l'Etat qu'en cas de faute lourde. [...]
[...] Cependant, lorsque les liens entre le service de contrôle et le service contrôlé sont étroits, la jurisprudence admet qu'une faute simple est de nature à engager la responsabilité de l'Etat : c'est le cas de l'exécution du service public de la transfusion sanguine (CE avril 1993). On voit donc que la difficulté particulière du service nécessite une protection de la part du juge administratif, mais que celui-ci juge cependant de plus en plus souvent in concreto, pour une meilleure réparation des administrés lésés. [...]
[...] La subsistance de l'exigence de faute lourde Malgré les avancées certaines de la faute simple, la faute lourde demeure la condition sine que non de la responsabilité administrative dans quelques domaines, qui se caractérisent par la difficulté du service ou bien par des exonérations de responsabilité (Braibant-Stirn). Dans le premier cas, la faute lourde est une atténuation de responsabilité ; dans le deuxième, au contraire, elle est une atténuation de l'irresponsabilité. Il existe enfin un troisième domaine pour lequel la faute lourde perdure : la responsabilité du fait du fonctionnement de la Justice. La difficulté particulière de service La jurisprudence a longtemps considéré que ces domaines d'activité particulièrement difficile nécessitaient une certaine irresponsabilité. [...]
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