D'un hypothétique "choc des civilisations" à l'utopie du "village global", les penseurs du 20e siècle n'ont pas fini de prédire quelles seraient les conséquences de la mondialisation sur les États. Cette profusion de diagnostics tient aux différentes acceptations du terme État. Celui-ci désigne une communauté humaine qui exerce sa souveraineté dans les limites d'un territoire déterminé, en vue de garantir la paix civile au moyen, s'il en est besoin, de la violence légitime (dont il détient le monopole).
À cette souveraineté dite "traditionnelle" s'est greffée une souveraineté économique en réaction à la mondialisation, cette convergence des marchés qui a rassemblé les États dans un "village global". Joseph Stiglitz la décrit comme « l'intégration sans cesse plus étroite des pays et des peuples du monde ». Or, cette intégration amène les États à perdre, volontairement ou non, une partie de leur souveraineté.
Cette érosion de la souveraineté peut laisser penser au déclin de l' État, mais celui-ci est-il nécessairement condamné par la mondialisation ?
[...] Parallèlement à cette intégration croissante[14], on observe un phénomène de fragmentation des États, la mondialisation entrainant par réaction des replis communautaires. Les indépendantismes régionaux (catalans, basques . ) en sont un exemple dans notre pays, mais ce processus est plus flagrant ailleurs. Ainsi, en Colombie, l'État ne contrôle plus l'ensemble du territoire depuis le début du 20e siècle: une guérilla d'origine marxiste (liée au narcotrafic), les FARC[15], contrôle une partie du territoire, tout comme les paramilitaires. Plus frappant encore, en Sierra Leone, le RUF[16], guérilla aidée par le despote libérien Charles Taylor, contrôle la moitié nord du territoire, et les Kamajos[17] certaines régions. [...]
[...] Par ailleurs, la participation des États à un ordre mondial au travers d'institutions (ONU, FMI, etc.) marque le passage d'une logique de coexistence à une logique de coopération qui limite leur pouvoir par des pressions extérieures accrues et des transferts de compétences[8]. Outre son aspect culturel, la mondialisation est avant tout un phénomène économique ayant introduit l'émergence de nouveaux acteurs, du fait de la pénétration des économies nationales dans de nouveaux marchés (firmes et lobbys) et de l'essor de nouvelles technologies entrainant l'instantanéité de l'information (Société civile, ONG). Ces nouveaux acteurs sont autant de concurrents pour l'État dont ils limitent la souveraineté en influençant les décisions nationales et internationales. [...]
[...] Le phénomène d'intégration régionale a connu un essor sans précédent au vingtième siècle, avec la création d'unions douanières[13] dont la plus aboutie est l'Union européenne, en faveur de laquelle ses États membres ont délégué une part de leur souveraineté. En effet, leur coopération économique, politique, judiciaire et culturelle est complétée depuis peu par une politique extérieure et de sécurité commune (PESC). L'émergence d'une identité européenne et le transfert de compétences à ces institutions posent la question du rôle et de la légitimité de l'État, celui-ci n'étant plus souverain absolu en son territoire. [...]
[...] Les dérives de la globalization sont révélatrices de la faiblesse des États. En effet, si certains parlent d'"exclus de la globalization", ce phénomène est justement global, c'est à dire n'excluant personne: les États présentés comme en étant exclus lui sont en fait soumis du fait de l'inégalité des termes du marché. Ainsi, dans certains États tels que la Guinée -qui souffre d'une économie peu diversifiée, d'une pauvreté endémique[9], et dont la corruption des régimes successifs a entrainé la perte du monopole de la violence légitime par l'État[10]- celui-ci n'assume plus ses fonctions régaliennes. [...]
[...] Ou fédérations de régions, selon les régionalistes d'Italie du nord. Concernant la compétitivité de l'Etat, l'économiste Ohmae écrit ainsi dans Kenichi Ohmae, De l'Etat-Nation aux Etats-Régions, Paris, Dunod pp.81, "Ce qui importe le plus est que tout état-région maîtrise [ . ] les ingrédients essentiels d'une participation fructueuse à l'économie planétaire". Par le biais de mécanismes d'intégration et d'harmonisation tels que les fonds européens, qui permettent de renforcer les économies les plus faibles (le redressement économique du Portugal en étant un exemple). [...]
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