Ce livre montre avec précision la manière dont les Français sont devenus électeurs à partir de la proclamation, par décret, du suffrage universel, le 5 mars 1848. Cette date marque le début d'une participation massive lors des élections : le nombre d'électeurs s'accroît considérablement. De nos jours, ce qui peut nous paraître comme allant de soi, constituait une « révolution » dans la mesure où cette nouvelle institution allait modifier la représentation politique ainsi que la participation puisque des millions d'électeurs découvraient ce que signifiait voter.
Dans les premières pages, Alain Garrigou insère des réactions comme celle de Durkheim : « le suffrage représente l'individu, car le vote est un acte individuel occasionnel, il n'est pas le fruit d'une concertation entre individus formant un groupe ». Charles Benoist est également cité : le suffrage universel signifie que pour lui que « tous les acteurs sont une part de souveraineté ». Mais ces considérations individualistes du vote sont très loin ce qui s'est produit sous le Second Empire et la troisième République ; régimes sous lesquels l'auteur situe son analyse. Au-delà d'une simple analyse du vote et de ses mécanismes, cet ouvrage traite également des conditions qui entouraient son accomplissement, des rapports de force de l'époque, des différences entre les zones rurales (majoritaires à cette période) et les zones urbaines.
[...] Cependant un grand mouvement de réforme électorale eut lieu à partir de 1902, date à laquelle fut créée une commission du suffrage universel. Cette période de réforme dura jusqu'en 1913/14, et cela marque une volonté de rupture avec les irrégularités pour mettre de l'ordre dans les pratiques électorales. L'évolution de l'institution Ce mouvement de réforme modifia les pratiques électorales et apporta de nouvelles méthodes dont certaines sont encore valables aujourd'hui. Au fur et à mesure que les élections avançaient, les citoyens intériorisaient les pratiques. [...]
[...] Désormais il fallait 50000 voire 60000 voix pour être élu, c'était une autre dimension que les électeurs ne percevaient pas au départ. Les premières élections posaient un sérieux problème de logistique auquel les dirigeants n'avaient apporté aucune réglementation nationale stricte et claire. Se posait tout d'abord le problème de savoir combien de jours étaient nécessaires à la durée du vote, fallait-il voter plusieurs jours ou un seul jour, car le vote se faisait au chef-lieu et pour les personnes qui habitaient loin il leur fallait du temps ?Fallait-il ouvrir les bureaux de vote proportionnellement au nombre d'habitants ? [...]
[...] Souvent, pour s'assurer un nombre de voix important, les riches propriétaires exerçaient des pressions sur les ouvriers, en menaçant leur emploi s'ils ne votaient pas pour eux. Contrairement aux idées reçues, dans les grandes villes on votait moins que dans les milieux ruraux, les quartiers bourgeois étaient plus abstentionnistes que les quartiers populaires (Garrigou prend l'exemple des élections de 1869). Cela tenait au fait que les milieux ruraux et les quartiers populaires des grandes villes étaient plus exposés au phénomène de vote communautaire : ces zones se caractérisaient par un taux plus élevé d'illettrisme, les leaders pouvaient plus facilement imposer leurs opinions. [...]
[...] C'est la raison pour laquelle l'école devait se charger de faire des hommes, des citoyens, ce qui fut le cas avec les lois scolaires sous la troisième République. Cette éducation manquante fut l'une des raisons qui ont conduit le vote à être instrumentalisée par les personnalités locales pour assurer leur domination et par des opportunistes. Un exemple à citer est celui des imprimeurs qui ont su tirer parti de l'illettrisme des citoyens en imprimant les bulletins avec le nom des candidats pour les gens qui ne pouvaient pas. [...]
[...] Cela a donc mis un coup d'arrêt au clientélisme des notables, et la politique l'a emporté sur l'autorité. On s'est également rendu compte que le système électoral du suffrage universel s'accordait mal avec la domination des élites : le fait de devoir remettre son mandat en jeu à périodicité fixe désavantageait les notables. La régularité des échéances ne tenait pas compte des cycles de vie des dynasties notabiliaires. Les mutations économiques, dans la seconde moitié du XIXe siècle, ont elles aussi modifié la politique en transformant les dominations sociales. [...]
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