La crise des banlieues, qui s'est soldée par deux semaines de violences urbaines en novembre 2005, a fortement interrogé nombre de pays étrangers sur la validité du « modèle français d'intégration » et sur les facteurs d'une telle fraction (sociale, culturelle, économique voire ethno raciale selon certains). Voitures brûlées, poubelles incendiées, postes de police, crèches et écoles endommagées ont suivi la mort inexpliquée de deux adolescents dans un transformateur de Clichy-sous-Bois. Vue de l'étranger, la crise dite « des banlieues » donne naissance à de nombreuses interprétations différentes mais c'est selon un point de vue franco-français que nous allons nous pencher aujourd'hui sur ces mêmes émeutes, à travers le texte d'Hugues Lagrange et Marco Oberti. Tous deux chercheurs à l'Observatoire sociologique du changement, ils sont spécialisés dans la problématique de la ville en tant que vecteur de ségrégation et d'inégalités mais ils défendent également une conception de la ville comme espace d'intégration et de mixité sociale.
Au-delà des différences d'opinion et d'orientation, les journaux français ont dans l'ensemble, donné une lecture sociale et politique des émeutes en insistant sur l'écart entre la réalité sociale et les slogans républicains. Lagrange et Oberti ont d'ailleurs choisi de mettre en relief dans l'introduction du livre Emeutes urbaines et protestations ces dimensions sociales et ces enjeux politiques sous-jacents à une forme inédite de révolte populaire à travers une comparaison européenne, plus précisément au travers du prisme France/Grande-Bretagne/Italie.
Grâce à une comparaison internationale des systèmes d'intégration européens, comment expliquer la singularité de « la France des émeutes » ? Dans quelle mesure la contradiction fondamentale entre le sacro-saint principe d'égalité et la réalité des inégalités et des discriminations pose-t-elle la mise en cause du modèle d'intégration républicain français ? De quelle manière une analyse poussée des émeutes de novembre 2005 appelle un questionnement sur l'intégration à la française ?
C'est ainsi que Lagrange et Oberti mettent en avant trois modèles d'intégration différents (France, Grande-Bretagne, Italie) afin de mieux comprendre cette singularité française, que les émeutes de 2005 semblent questionner, au travers du prisme du pacte social.
[...] De la disparité des modèles d'intégration en France et en Europe a. La singularité du modèle français : une intégration républicaine théorique i. Egalité des chances, méritocratie et citoyenneté Les auteurs rappellent les fondements du modèle d'intégration des immigrés dont la finalité est leur assimilation dans la société. Universaliste, ce modèle repose sur deux dogmes : la réussite individuelle et le refus de l'intégration communautaire d'un côté, et l'école laïque et émancipatrice qui permet à chacun de réussir par ses mérites de l'autre. [...]
[...] Or, en France, on nie l'ethnicité dans les politiques publiques, ce au nom de l'idéal républicain. Cependant, la logique sociale française implique une dimension plurielle de la ségrégation : elle devient alors sociale, spatiale et ethnique. C'est bien ce prisme déformant que les auteurs accusent de ne pas vouloir voir la réalité en face (c'est-à-dire la ségrégation ethnique). C'est pourquoi si l'on approfondit la dernière partie du texte, les auteurs mettent le doigt sur la problématique du traitement des discriminations. [...]
[...] Discrimination : distinctions faites dans la vie sociale aux dépens de certains groupes, qui sont jugées inacceptables par la majorité, parce qu'elles violent les normes sociales et le principe de l'égalité devant la loi, alors même que certains sous-groupes de la population les justifient. Manière de traiter inégalement des individus égaux. Inégalité : est inégale toute répartition d'une ressource qui n'est pas uniforme. Différence que les individus et groupes sociaux jugent selon des échelles de valeurs. Inégalités sont essentiellement sociales et liées à l'existence de stratifications économique, politique, de prestige, etc . Mouvement social : entreprise collective visant à établir un nouvel ordre de vie. [...]
[...] Elles sont donc à la fois plus ségrégées et en même temps plus reconnues. Du coup, le séparatisme de classe fait que les tensions ne se font pas face à l'Etat, mais face à un sous-prolétariat anglais, qui apparaît comme le principal concurrent de ces minorités en effet, les concurrences prennent la forme de tensions intergroupes dans le sens où la logique de compétition participative concerne l'accès au logement, à l'emploi ainsi qu'à l'école. Les auteurs font ici appel à l'analyse de Didier LAPEYRONNIE qui oppose modèle de participation à vie politique et économique vs intégration par le partage de valeurs. [...]
[...] En cela, ce texte est presque un texte de sociologie politique (au sens d'étude des rapports sociaux à caractère politique : idéologie et forces ainsi que les rapports des citoyens à l'Etat), mais il fait appel à une controverse récente en France et à la question du politiquement correct républicain (peut-on parler de multiculturalisme en France Or, ce texte ne soulève pas la polémique, les auteurs procèdent à une analyse bien construite et claire. Je voudrais aussi juste relever une dernière critique intrinsèque à l'extrait qui est que les auteurs rapprochent les émeutes de novembre 2005 et les manifestations contre le CPE en tant que même fait social. [...]
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