Libertarisme, libertariens, Kymlicka, théorie de la justice
Will Kymlicka est un philosophe politique qui analyse successivement dans son livre les thèses utilitaristes, libérales (Rawls et Dworkin), libertariennes, marxistes, communautariennes, et féministes. Non seulement il évoque les principaux courants de la philosophie politique de son siècle, mais il détaille les enjeux du débat et rend compte de leur dynamique. Philosophe libéral, il donne ensuite son point de vue, et l'on comprend qu'il tente de concilier son opinion avec les apports du communautarisme.
Le passage étudié ci-dessous est celui concernant le libertarisme, qui se consacre surtout à la philosophie de R. Nozick. En résumé, les libertariens prônent le respect des droits de propriété, et concentrent le problème des inégalités non méritées et des injustices à la question de la propriété. Pour que les individus soient considérés comme des « fins en soi » (Kant) et non pas des moyens, Nozick affirme qu'il faut respecter le principe de « propriété de soi » : chaque individu est un propriétaire légitime de soi-même, il possède donc ses propres capacités, et par conséquent, toutes les ressources qu'il a pu obtenir grâce à ces dernières. Ainsi, Nozick refuse l'intervention de l'Etat, ou une quelconque fiscalité redistributive qui bénéficierait aux plus démunis, puisque ces interventions ne respecteraient pas les droits de propriété d'un individu, qui sont absolus, et par là leur égalité morale. Il prône donc l'acceptation des mécanismes de marché, « intrinsèquement justes ».
[...] Il prône donc l'acceptation des mécanismes de marché, intrinsèquement justes Nous pouvons alors dégager dans ce passage les principales thèses de W. Kymlicka concernant le libertarisme et la manière dont il les démontre, en repérant les conflits de pensée évoqués dans le chapitre. Enfin, on peut confronter son analyse à un autre type de libertarisme, situé plus à gauche sur l'échiquier politique. Tout d'abord, W. Kymlicka présente les thèses libertariennes. Il montre comment les libertariens (et Nozick en particulier) justifient le libre marché par les droits de propriété, et ensuite avec l'argument de la propriété de soi en particulier. [...]
[...] D'autres encore prônent alors le libertarisme comme théorie de la liberté, et ainsi le capitalisme comme une nécessité morale. En revanche, là encore Kymlicka montre que tout tentative de défendre le capitalisme en s'appuyant sur la liberté est fallacieuse. En effet, ces arguments reposent sur des définitions inconsistantes de la liberté selon lui. Pour avoir un sens, il faut que la définition de la liberté spécifie qui est libre, de faire quoi, et par rapport à quel obstacle. Or dans le capitalisme, les propriétaires des ressources sont libres d'en disposer, alors que les non-propriétaires sont privés de cette liberté: les droits de propriété augmentent la liberté de certaines personnes tout en limitant celle des autres La théorie de Nozick est donc remise en question. [...]
[...] D'autres options pourraient être meilleures, et Nozick les ignore. Par exemple, selon lui la situation dans laquelle certains meurent de faim car personne ne veut acheter leur force de travail (étant moins "doués" dans la situation initiale) tandis que d'autres auront pu s'approprier des ressources et accumuler des richesses est acceptable, car les individus qui n'ont pas d'attributs naturels et de compétences négociables seraient de toute façon morts de faim si les ressources n'avaient pas été privatisées, donc elles ne peuvent formuler aucun grief légitime. [...]
[...] Aucune des définitions de la liberté ne valide alors la thèse libertarienne selon laquelle leur système permet l'augmentation de la liberté. Pour finir, Kymlicka affirme que la politique des libertariens n'accepte pas le principe de correction des inégalités de circonstances, comme on l'a vu précédemment. Il en conclue donc que non seulement elle n'est pas acceptable intuitivement, mais aussi qu'elle empêche les valeurs mêmes qu'elle défend, telle que l'autodétermination. En refusant les exigences morales qui sont justifiées par les inégalités non méritées, le libertarisme est incapable de reconnaître alors les conséquences de ces dernières. [...]
[...] Au contraire des utilitaristes qui défendent le capitalisme pour accroître au mieux la richesse sociale et les préférences agrégées, ou encore de ceux comme Hayek qui pensent qu'il est nécessaire pour préserver nos libertés civiques et politiques, la défense du libre marché chez les libertariens n'est pas instrumentale: ils pensent que la fiscalité redistributive viole les droits des gents, qui doivent pouvoir disposer comme bien leur semble de leurs biens et services. Ainsi, l'Etat n'a aucune légitimité d'intervention. Le lien entre la justice et le marché se fait, pour les libertariens, grâce à la théorie des droits de propriété légitimes chez Nozick. [...]
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