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« La caractéristique juridique de la Constitution, c'est d'être une loi possédant une puissance renforcée, en tant qu'elle ne peut être modifiée par une loi ordinaire et qu'elle limite ainsi la compétence législative : la notion de Constitution ne se trouve réalisée, en droit, qu'à cette condition. Cette considération suffit, à elle seule, à exclure la possibilité d'un droit constitutionnel coutumier. Il y a incompatibilité entre ces deux termes, Constitution et coutume. Car, la coutume n'étant pas écrite, il n'est pas besoin d'une procédure de révision pour la modifier. La coutume ne possède donc pas la force supérieure qui caractérise le droit vraiment constitutionnel : seules, les règles consacrées par une Constitution écrite sont revêtues de cette force spéciale. Il résulte de là que, même si les principes de 1789 devaient être considérés aujourd'hui comme ayant conservés leur puissance juridique à titre coutumier et traditionnel, ils ne sauraient, en tout cas, être qualifiés de principes constitutionnels, ni être envisagés comme des éléments de la Constitution française proprement dite, puisque, par une conséquence même leur caractère coutumier, ils ne sont point placés au-dessus de la puissance du législateur ordinaire ».
Raymond Carré de Malberg, Contribution à la théorie générale de l'État, Tome II, 1922, p. 582.
[...] Mais il s'agit d'une protection formelle et limitée : d'une part, comme on l'a dit plus haut, la procédure de révision relève du Parlement lui-même ; d'autre part et surtout, l'existence d'une procédure de révision ne permet en aucun cas de garantir que les pouvoirs publics ne violeront pas la Constitution. Pour dire les choses autrement, la puissance renforcée d'une Constitution lui vient du fait que les règles constitutionnelles matérielles sont ressenties comme obligatoires par les pouvoirs publics, et ce sentiment subjectif d'obligation est indépendant de la procédure de révision. [...]
[...] La valeur juridique des principes de 1789 La position de Carré de Malberg à l'égard des principes de 1789 est pour le moins réservée. Il ne se prononce pas au fond sur leur survivance en tant que principes coutumiers, se contentent d'évoquer la question sous la forme hypothétique : même si les principes de 1789 devaient être considérés aujourd'hui comme ayant conservé leur puissance juridique à titre coutumier et traditionnel En réalité la position de Carré de Malberg est qu'il s'agit de principes philosophiques généraux sans portée juridique concrète, et que de ce fait ils ne sont pas invocables en tant que tels devant les tribunaux. [...]
[...] C'est la rigidité de la Constitution qui, à défaut de permettre la sanction des inconstitutionnalités, interdit au législateur ordinaire de voter les lois la modifiant. Au contraire, dans les systèmes souples, tels que les systèmes coutumiers, il n'y a pas de constitution au sens formel, et une lois votée en la forme ordinaire par le Parlement peut parfaitement modifier une règle constitutionnelle : la coutume n'étant pas écrite, il n'est pas besoin d'une procédure de révision pour la modifier Bien entendu, en raison même de l'absence de contrôle de constitutionnalité des lois, Carré de Malberg insiste tout particulièrement sur cette distinction formelle entre loi constitutionnelle et loi ordinaire, puisque c'est le seul critère permettant de distinguer la Constitution et la loi. [...]
[...] Autrement dit le dispositif décrit par Carré de Malberg repose sur le principe de l'autolimitation du Parlement, qui de lui-même respecte la Constitution. Comme on va le voir la position de Carré de Malberg à l'égard de la coutume constitutionnelle contredit elle aussi la réalité constitutionnelle de la IIIe République. II) L'incompatibilité entre la Constitution et la coutume S' il y a incompatibilité entre ces deux termes, Constitution et coutume c'est pour des raisons essentiellement formelles tenant au caractère non écrit du droit coutumier. Carré de Malberg semble partager les préventions des révolutionnaires à l'encontre de la coutume, synonyme d'arbitraire. [...]
[...] Avec cette analyse volontariste, c'est tout le formalisme de Carré de Malberg qui vole en éclats. L'existence d'une procédure de révision pour modifier la Constitution devient tout a fait secondaire, puisque la coutume peut à tout moment venir modifier les dispositions constitutionnelles devenues inadaptées. Ce court passage de Carré de Malberg, livré au détour d'une note de bas de page de sa volumineuse Contribution à la théorie générale de l'Etat, va contribuer dans les années 1920 à ouvrir un débat de fond sur le rôle de la coutume en droit constitutionnel. [...]
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