"Etats et révolutions sociales" (States and Social Revolutions en version originale) est une étude historique comparative afin de dégager une explication nouvelle des raisons de la Révolution française de 1787-1800, de la Révolution russe de 1917-21 et de la Révolution chinoise de 1911-49. Cet ouvrage est considéré comme un « classique » de la sociologie historique comparée. Contribution majeure à l'étude des révolutions, l'ouvrage forge un cadre d'analyse qui, même s'il n'est pas transposable à l'étude de toutes les révolutions, attire l'attention sur des variables jusque-là sous-estimées et peut servir de modèle de référence librement modifiable pour l'étude d'autres cas. De façon plus générale, il apparaît rapidement, au-delà du cercle des spécialistes des révolutions, à la fois porteur, témoin et marqueur d'un renouvellement important de certains objets et certaines approches dominantes en sociologie et en sciences politiques.
L'ouvrage de Theda Skocpol a fortement marqué la sociologie politique américaine grâce à une approche novatrice du phénomène révolutionnaire et plus
particulièrement des révolutions sociales. L'auteur tente de comprendre les révolutions sociales dans leur ensemble : les causes, les événements proprement dits et les conséquences. Cette approche permet de comparer trois révolutions à des époques différentes, aux projets politiques difficilement conciliables (d'inspiration libérale pour la première, d'inspiration marxiste pour les suivantes). Par cet ouvrage, Theda Skocpol travaille à la revitalisation et la réorientation de la sociologie historique comparative, puis à la généralisation du recours aux méthodes historiques et comparatives dans des
champs d'étude qui étaient peu portés vers ces méthodes : vie politique américaine, administration et politiques publiques ou encore politique comparée.
[...] Enfin, Theda Skocpol définit les Etats comme des organes administratifs et coercitifs potentiellement indépendants des intérêts et des structures socioéconomiques. Alors que les théories antérieures ne considéreraient l'Etat que comme l'arène des conflits économiques et sociaux, pour Theda Skocpol, les crises politiques à l'origine des révolutions sociales ne peuvent se réduire à des épiphénomènes reflétant les tensions de la société et les contradictions de classe. Selon elle, c'est l'effondrement des organes étatiques qui seraient à l'origine du développement de la lutte des classes. [...]
[...] Charles Tilly, contemporain de Theda Skocpol et qui l'aidé à réaliser sa thèse, est représentatif de ce courant théorique. Dans From Mobilization to Revolution, il critique les théories psychologisantes agrégatives. Selon lui, les personnes qui vont s'engager ont besoin d'une organisation minimale et d'un accès à quelques ressources. Charles Tilly centre ses recherches sur l'action collective (l'action de personnes agissant ensemble dans la poursuite d'intérêts communs) et pas sur la violence collective. Pour lui, la révolution est un cas particulier d'action collective où les acteurs se disputent tous la souveraineté ultime et où des groupes prétendants parviennent à remplacer, au moins en partie, les titulaires du pouvoir en place. [...]
[...] L'approche de Theda Skocpol permet de modérer certaines idées reçues. La perspective structurale permet de comprendre que les avant-garde révolutionnaires telles que les Jacobins ou les Bolcheviks ou le Parti Communiste Chinois sont étrangères au déclenchement des révolutions. La mise en avant des contextes internationaux me paraît également pertinente notamment dans le cas de la Russie. Cette approche n'est pas complètement novatrice. Lénine déclarait déjà : La guerre a été le catalyseur de la révolution Elle explique le devenir de la révolution cubaine sous fond de guerre froide passant de la tutelle étasunienne à la dépendance soviétique. [...]
[...] Tout d'abord, Theda Skocpol promeut une analyse des causes des révolutions dans une perspective structurale, non volontariste. La perspective volontariste, implicite dans la plupart des approches, voit les révolutions comme le produit intentionnel de certains groupes cherchant, en conscience, à remplacer un ordre social et politique par un autre. L'auteur conteste le fait que le phénomène révolutionnaire soit voulu c'est-à-dire dû à un mouvement de masse conscient. Elle pense que les situations révolutionnaires se sont plutôt développées avec des crises politico-militaires de l'Etat et des classes dominantes. [...]
[...] Son approche 1 Theda Skocpol, Etats et révolutions sociales, Mesnil sur l'Estrée, Fayard {1979}, p est globale. D'une part, les causes des conflits et des crises révolutionnaires sont évoquées à travers l'analyse des Etats, des structures de classes et des situations internationales des régimes bourbon, tsariste et mandchou. D'autre part, l'auteur traite des révolutions elles-mêmes, des premiers assauts révolutionnaires jusqu'à la consolidation de nouveaux régimes relativement stables et structurés différemment : le napoléonien en France, le stalinien en Russie, et le sino-communiste en Chine. [...]
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