Le norvégien Stein Rokkan (1921-1979) est l'un des chercheurs en sciences sociales les plus éminents de la seconde moitié du XXè siècle. Cependant, son œuvre demeure dans l'ensemble, peu connue. Il a exercé des fonctions diverses comme président du Comité de recherche comparée de l'UNESCO, président de l'Association internationale de science politique, président du Consortium européen pour la recherche politique ou encore président du Conseil international des sciences sociales de l'UNESCO.
Rokkan appartient au paradigme de la modernité, et plus précisément à l'école du Nation Building. Son programme de recherche le plus important, fait en partie écho à une "commande" de l'UNESCO qui s'interroge sur les futures voies de développement politique des Etats qui viennent de jaillir suite à la décolonisation. On peut dire que l'UNESCO s'interroge sur la question de savoir si ces Etats émergents pourront "mimer" les modèles politiques établis dans les pays développés. Dans cette optique, l'auteur prendra pour modèle, pour référence, les systèmes politiques de l'Europe de l'Ouest sur la base d'une sociologie historique comparative de l'Etat, pour éventuellement apporter une réponse à l'UNESCO.
Dans l'article qui nous est proposé d'étudier (Un modèle géo-économique et géopolitique de quelques sources de variations en Europe de l'Ouest), la préoccupation première de Rokkan, est de rendre compte à la fois des analogies, mais aussi des différences dans la formation des Etats, la construction de la nation et les politiques de masse en Europe de l'Ouest. On pourrait presque dire, par exemple, que ce qui l'intrigue le plus, ce n'est pas tant de savoir pourquoi l'Etat a émergé partout en Europe mais bien plutôt pourquoi il a emprunté des formes différentes. Là est l'axe de sa réflexion. Pour cela, l'auteur a recours à la méthode comparée. De fait, il a élaboré un modèle qu'il utilise comme un outil pour comparer l'histoire du développement de l'Etat en Europe de l'Ouest. Sa méthode est avant tout empiriste. Ce modèle ne saurait être dissocié de schémas, qui occupent une place importante dans la réflexion intellectuelle de Rokkan.
Notre problématique, à l'instar de celle de Stein Rokkan, consistera notamment à s'interroger sur les analogies, mais aussi les différences dans la formation des Etats, dans la construction de la nation en Europe de l'Ouest.
Notre étude suivra l'ossature générale du texte. La première partie du devoir s'intitulera (I) Les prolégomènes à la " théorie de Rokkan ". Nous verrons ensuite (II) La différenciation territoriale en tant que facteur déterminant pour expliquer la formation de l'Etat en Europe de l'ouest.
[...] Le modèle de Rokkan, pour spécifier les trajectoires particulières des Etats européens contemporains, débute ainsi par une simple classification des sources de différenciation entre ces systèmes politiques dans le haut Moyen Age. A partir des éléments de base, le modèle réalise une spécification correspondante des variables, pour l'étude de l'étape suivante du développement On assiste par exemple en Europe de l'Ouest, du haut Moyen Age à 1648, à l'établissement d'un important réseau commercial des cités qui se trouvent entre la Méditerranée et la mer du Nord (expansion économique, découverte de l'Amérique), et à la consolidation des Etats territoriaux. [...]
[...] Selon l'auteur, les systèmes politiques ont significativement varié le long d'un axe est-ouest au cours de la période qu'il a étudié. Cet axe est basé sur la force des réseaux urbains et la formation d'un centre politique. Alors que l'ouest se singularise par un réseau urbain dense, l'est est plus agraire. Autrement dit, cet axe repose essentiellement sur la variable économique. L'ouest est caractérisé par un capitalisme marchand prospère et en plein essor alors que l'est est caractérisé par la résistance au capitalisme marchand (agriculture traditionnelle). [...]
[...] La carte conceptuelle de Rokkan laisse donc nettement apparaître des clivages entre les territoires du centre, "sous le joug de la papauté" et ceux de la périphérie. On peut parler d'une certaine structure centre- périphérie puisque la permissivité et le compromis, ne s'épanouissent qu'à la périphérie. L'unification territoriale est d'autant plus réalisable que l'Etat (ou la cité) se trouve loin du centre. Cette dernière est déterminante car, une fois acquise, elle permet à l'Etat d'asseoir un contrôle territorial fort, une souveraineté. [...]
[...] Le concept de territoire, qui est aussi un concept géographique, est un concept fondamental pour Rokkan parce qu'il est une source de différenciation, de clivage, pour expliquer la singularité du développement de tels ou tels systèmes politiques. A travers cette carte, l'auteur essaie donc de saisir des dimensions géopolitiques fondamentales. Selon lui, il n'existerait pas un modèle typique de la formation de l'Etat en Europe de l'Ouest, mais plusieurs modèles. La carte conceptuelle de l'auteur révèle une profonde asymétrie du développement politique européen. [...]
[...] Les trois autres éléments sont : l'existence d'un contrôle territorial fort ou faible de la part des centres ; l'existence d'un capitalisme marchand développé ou pas ; et enfin la distance du pouvoir vis-à-vis du pouvoir spirituel de Rome, c'est-à-dire la prédominance soit de la Contre-Réforme catholique, qui est loyale envers la papauté, soit du protestantisme. Dans cette Europe d'alors, Rokkan distingue deux dimensions. Deux sources de différenciation territoriale sont à la base de sa carte conceptuelle. L'axe est-ouest, qu'il qualifie de bourgeois et capitaliste. L'axe nord-sud, qu'il qualifie de culturel et religieux. [...]
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