Dans Le front rouge, poème publié en 1931, Louis Aragon rédigeait ce vers : "Les yeux bleus de la Révolution brillent d'une cruauté nécessaire". Cette "cruauté" a, en effet, caractérisé la lutte engagée par les groupuscules d'extrême gauche au lendemain de l'agitation qu'a connu le monde durant l'année 1968 mais celle-ci fut-elle réellement "nécessaire" ?
C'est l'une des interrogations que se pose l'auteur, Isabelle Sommier, par l'analyse, dans La violence révolutionnaire, de l'évolution de ces groupes qui ont choisis, pour se faire entendre, le recours à la voie armée au cours des années 1968 (...)
[...] Pourquoi cette période est si déterminante dans l'étude de la violence révolutionnaire ? Parce que cette période EST révolutionnaire, ce qui explique la nécessité, comme le fait Sommier dans l'ouvrage, de définir cette notion qui révèle toute sa singularité dans son contexte historique. En effet, la violence révolutionnaire post-1968 est indissociable des événements qui se produisent : cette période reste en effet marquée par la réactivation de l'espérance révolutionnaire qui se traduit notamment par la légitimation de l'usage de la violence, y compris armée, et sa préparation. [...]
[...] Ainsi, l'auteur montre la similitude des mouvements, que ce soit aux Etats-Unis avec le Students for a Democratic Society dans les universités (notamment à Berkeley), au Japon avec les Générations Ampo, en Allemagne avec la SDS (Ligue des étudiants socialistes allemands), en France avec Mai 68 ou en Italie avec le Mai rampant tous sont issus de mouvements étudiants qui réclament la fin de la guerre, l'indépendance ou des réformes. Il était donc naturel que ces révoltes à caractère générationnel rejoignent la gauche. [...]
[...] Par conséquent, que ce soit par une légitimité théorique, la lutte contre un Etat fasciste et répresseur ou l'entrée dans la clandestinité, resserrant les liens entre les militants, Isabelle Sommier met en lumière les similitudes entre les processus de radicalisation de ces mouvements, par leur évolution, les différencie du simple terrorisme. Par l'analyse de la fin de ces mouvements extrémistes, elle va conclure de dégager la singularité de ces mouvements qui, s'ils ont été importants, ne peuvent survivre au contexte dans lequel ils sont ancrés. En effet, qu'est-ce que révèle la fin des mouvements d'extrême-gauche utilisant la violence révolutionnaire comme moyen d'expression et d'affirmation ? [...]
[...] En effet, dans ce mouvement, la violence semble légitimée. Il ne faut pas oublier le contexte historique qui demeure prédominant dans cette interprétation des faits, les Etats-Unis sont en guerre contre le Vietnam, Mao entreprend sa révolution culturelle et l'analyse marxiste est prédominante dans la société. Ce climat favorise donc considérablement ce mouvement qui légitime le recours à la violence qui, pour Marx, est l'accoucheuse de l'Histoire En effet, Trotski n'avait-il pas clamé, en 1919 durant la période post-révolutionnaire russe que la révolution violente est devenue une nécessité justement parce que les exigences immédiates de l'histoire ne pouvaient être satisfaites par l'appareil démocratique de l'Etat ? [...]
[...] En conclusion, la violence révolutionnaire constitue un domaine d'étude tout à fait singulier par sa définition et son contexte. En effet, l'analyse de la naissance et de la radicalisation, pour en arriver à la disparition des mouvements d'extrême gauche qui ont choisi ce moyen d'action pour exprimer leurs idées révèle qu'il est en aucun cas possible de le confondre avec le terrorisme, même si la propagande de l'Etat les a caractérisé ainsi (participant d'ailleurs à leur essoufflement). Le recours à la violence révolutionnaire s'essouffle en effet avec la fin de la bipolarisation du monde et de la tradition d'analyse marxiste qui légitimait ce recours. [...]
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