Baum introduit, à travers l'exemple des attaques de missiles sur l'Afghanistan et le scandale Clinton-Lewinsky, l'idée que le traitement que les médias font de l'information s'est transformé au cours du dernier quart de siècle avec l'apparition d'un nouveau de type de médias. Il désigne ce nouveau genre d'émission et de publication par le terme générique de « Soft News », opposés aux « Hard News » que représentent les journaux télévisés et les chaînes câblées d'information en continu. Dans sa conception. Baum définit les « Soft News » (dont il est très difficile de donner une traduction fidèle) comme l'ensemble des médias (émissions télévisées, journaux, sites internet) quasi informatifs dont le but premier est le divertissement. Plus précisément, il se fie à la définition de Patterson qui conçoit les Soft News comme à la fois : une catégorie résiduelle de toutes les informations qui ne sont pas « hard » (sérieuses), un vocabulaire particulier dans la présentation des informations (plus personnel et familier), un ensemble d'histoires caractéristiquement dénuées d'enjeux politiques à la présentation sensationnaliste, aux thèmes anthropocentristes (human interest) et mettant l'emphase sur des sujets à forte teneur dramatique (crimes, désastres, etc.).
Baum distingue plusieurs traits communs aux avatars des Soft News :
1) Un intérêt primaire vers des sujets et thèmes typiques des Soft News, 2) Un public relativement désintéressé par la politique, 3) Un public qui regarde ces émissions avec pour but premier d'être divertit.
L'intérêt de Baum est de s'interroger sur les relations qu'entretient le traitement que les Soft News font de l'information, et l'apparition de « grands sujets » à caractère au moins partiellement politique et qui défraie la chronique. Ils appellent ces sujets « Water Cooler Events », que l'on pourrait au mieux traduire en français par « événement de la machine à café », ce sont pour lui des sujets qui ont atteint un tel niveau d'attention médiatique et de pénétration du public qu'ils deviennent sujets de conversations spontanées autour de la machine à café dans les lieux de travail.
Sa thèse est que les Soft News accroissent la probabilité qu'un événement devienne un « water-cooler event » en accroissant l'exposition d'un grand nombre d'individus à des informations relevant traditionnellement de la high-politics, et donc d'un public plus restreint, et ceci, sans accroître l'intérêt de ces individus pour les questions de politique étrangère ou de politique intérieure.
[...] Il apparaît éventuellement, comme évoqué dans le chapitre que bien que sa théorie aille contre les analyses qui voient une relation négative entre consommations de médias de divertissements et niveau de connaissances politiques, ceci n'est pas pour autant contradictoire. En effet, l'attention à un problème ne signifie pas la connaissance de celui-ci. Les individus peuvent être très au courant d'une crise en politique étrangère sans pour autant être capable d'en comprendre ou d'en expliquer les tenants et les aboutissants. Ce qui nous renvoie à la différence entre penser que l'on sait quelque chose et la comprendre réellement. [...]
[...] Pour autant les études de Meernik et Waterman (1996) et Brody (1991) auxquelles nous renvoi Baum insiste sur le fait que les effets de rally- round-the-flag sont généralement beaucoup trop éphémères et politiquement sans conséquence pour être une justification suffisante à l'utilisation de la force comme moyen de diversion. Le but de Baum ici est d'utiliser sa théorie pour clarifier certains points de cet effet et des études qui en ont été faites. Ainsi, il semble que les ralliements autour du drapeau trouvent leurs bases les plus puissantes dans les franges politiquement les moins alertes de la population. [...]
[...] Ceci a l'effet involontaire d'accroître l'exposition à l'information d'individus que la politique n'intéresse pas par un effet de cross-over des nouvelles traditionnelles vers les médias de divertissement. Si pour lui ce sont les crises dramatiques qui seront le plus probablement relayées par les Soft News pour les raisons évoquées précédemment, son modèle ne garantit aucune capacité prédictive quant au fait de savoir si une information deviendra ou non un water-cooler event Néanmoins, il apparaît que mis à part les très rares scandales de grande ampleur atteignant la facilité de traitement nécessaire pour que le framing s'effectue, ce sont bien les crises de politique étrangère impliquant l'usage même potentiel de la force qui sont les plus susceptibles de devenir des water-cooler events ce qu'il illustre en mettant en parallèle la prolifération des émissions Soft News avec leurs propensions à couvrir les crises de politique étrangère. [...]
[...] En général, les problèmes qui peuvent être aisément encadrés discursivement (framed) dans des termes contrastés et dramatiques, mettant en avant des caractéristiques aisément reconnaissables sans impliquer d'ambigüités ni de contradictions avec d'autres discours, sont les plus susceptibles d'attirer même l'attention d'individus peu intéressés par la politique. Baum explique ceci par une révolution marketing dans le paysage audiovisuel qui a altéré le calcul coût-bénéfice d'un large segment d'un public politiquement apathique. En transformant la narration politique mondaine en un divertissement, les Soft News ont avec succès combinés le Piggybacking (def) et le Framing pour pouvoir capturer un segment substantiel de l'audimat. [...]
[...] Ceci semble donc venir confirmer l'influence qu'on les Soft News sur la frange des Américains politiquement les moins intéressés. D'un autre côté, la théorie prédit que le niveau d'attention du public ne devrait pas augmenter concernant les sujets plus partisans, complexes ou controversés qui sont peu, ou pas du tout, traités par les Soft News, ce qui se vérifie également statistiquement, validant les hypothèses 9 et 10 et leurs corollaires. Remarque : L'étude de Baum ne s'intéressant là qu'au niveau d'attention, il n'explore pratiquement pas les variations de l'opinion publique vis-à-vis de questions auxquelles les Américains sont de plus en plus exposés et sensibles. [...]
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