Ces dernières années, la question du risque a été maintes fois soulevée dans les sciences sociales, aussi bien en Europe qu'aux États-Unis. Au fil du temps, le risque s'est imposé comme une entrée pertinente pour comprendre les sociétés contemporaines et les défis auxquels elles doivent faire face, au point que plusieurs personnalités, à l'instar du sociologue allemand Ulrich Beck, annoncent l'émergence d'une " société du risque ". Ce dernier, né en 1944 est professeur de sociologie à l'Université de Munich. Il écrivit en 1986 un ouvrage pionnier, Risikogesellschaft (La société du risque, en français), qui, publié peu de temps après la catastrophe de Tchernobyl en Allemagne, et seulement 15 ans après en France, connut un grand retentissement. Cet ouvrage constitue pour l'essentiel une analyse minutieuse et critique de la modernisation des sociétés contemporaines. Publié avec une préface de Bruno Latour, il est composé de huit chapitres, regroupés en trois parties. La première précise les contours de ce que l'auteur appelle la société du risque, la deuxième s'intéresse à l'individualisation de l'inégalité sociale, et la troisième étudie les rapports entre la science et la politique. Un avant-propos, rédigé en mai 1986, et une préface écrite en avril de la même année, expliquent longuement les conditions de production du travail de l'auteur et les raisons qui l'ont poussé à écrire ce livre.
En plus des dates de parutions, qui ne sont pas anodines compte tenu des éléments qui se sont déroulés à ces époques, ce qui rend cet ouvrage d'actualité est la manière dont Ulrich Beck situe sa pensée sur l'échelle du temps et de l'espace ; en effet, il nous met face à l'étude de nos sociétés contemporaines, celles là mêmes que nous connaissons depuis toujours et dans lesquelles nous nous trouvons immergés, et nous demande d'ouvrir les yeux sur tous les risques qui nous entourent. Ce qui rend son œuvre difficilement compréhensible est constitué d'abord et surtout par le manque de recul que nous ressentons face à la notion de risque qu'il aborde de manière quasi fanatique. En effet, comment peut-on parler de risque dans nos sociétés actuelles, alors même que nous sommes en quelque sorte les privilégiés d'un monde qualifié unanimement d'injuste car disparate au niveau des richesses exploitées et distribuées à sa population. On pourrait même s'interdire de penser le risque dans ce cas. Alors même que l'étude critique de nos sociétés industrielles élaborée avant lui par Marx, dans une logique d'intérêt de classe est frappante et touchante, notamment dans le cadre de la société qui se fabrique par elle même et laisse derrière elle tous ceux qui ne se trouvent pas concernés pas cette modernité naissante, Beck introduit ici une nouvelle forme d'irrégularité sociale, plus complexe car ne répondant plus à cette logique de classe permettant de se situer face aux principaux acteurs concernés.
Il convient alors de bien définir et comprendre cette notion même de risques et ce qu'elle implique. En effet qu'est ce que le risque ? De quoi devrions-nous donc avoir peur, aujourd'hui, alors même que nous nous sentons ultra-protégés dans notre vie sociale, loin des bombardements, de la famine et de la pauvreté extrême présentée tous les jours par les médias ?
La première partie du présent rapport reprendra un bref résumé de l'ouvrage tandis que la deuxième partie abordera une critique et une explication plus profonde de la notion de risque dans nos sociétés contemporaines.
[...] 335) pour montrer qu'elle doit se repenser elle-même, correspond à l'émergence d'une société du risque différente de la société industrielle classique. Beck considère ainsi que la science est devenue l'instrument incontournable de mesure et de gestion des risques contemporains, et se trouve confrontée à des exigences nouvelles. Mais, pour accepter un risque donné, encore faudrait- il que les connaissances minimales nécessaires à la compréhension des situations à risques et des alternatives envisageables soient acquises par les individus. Or, en entretenant l'illusion que les risques peuvent être entièrement éliminés, ou du moins maîtrisés, l'expertise scientifique est source de bien des malentendus. [...]
[...] Ceux la même qui entame notre joie de vivre quotidienne dans la société de consommation et nous pousse à réfléchir sur notre culture en des angoisses vaines car stériles. Car le risque n'est-il pas non plus aussi et avant tout un immense gisement de profit, d'emploi et surtout de pouvoir ? En effet, plus on débat de danger, et plus chaque professionnel du risque accroît ses parts du marché de l'inquiétude, ou renforce ses interventions. Ainsi l'effet premier de la scène du risque est de pousser l'anxiété publique à l'ébullition. [...]
[...] Cette interaction de l'avant et de l'après, qui permet de miser sur la sécurité du présent grâce à des dispositions prises plus tôt en prévision du pire, n'existe plus à l'âge du nucléaire, de la génétique et du risque climatique (par exemple : le refus des compagnies d'assurance d'assurer les risques liés aux OGM). La société du risque incompressible est une société sans assurance, démunie face au scénario du pire, et dont la stabilité repose bien souvent sur la politique de l'autruche. [...]
[...] Le risque n'est-il pas aussi vieux que l'industrialisation, que le monde ? Avec l'accroissement de l'espérance de vie, les conquêtes de l'État providence et les progrès de la technique, ne vit-on pas aujourd'hui dans les pays riches dans un monde moins risqué qu'auparavant ? La dramatisation actuelle des risques n'est-elle qu'un effet de mode médiatique ? Il importe tout d'abord de distinguer catastrophe naturelle et risque. Peu importe en effet que les fléaux qui frappaient et frappent l'humanité —épidémies, famines, colères des dieux et démons . [...]
[...] Ce contrat social constituait le cœur d'un consensus en faveur du progrès, qui a légitimé jusqu'à ces dernières décennies le développement technique et économique. Or avec l'incommensurabilité des risques actuels, avec l'incapacité des institutions de la première modernité industrielle (la science, l'industrie, l'État, le marché) à prémunir la société contre les risques qu'elles créent, c'est ce contrat social qui est violé. D'où une défiance envers ces institutions et l'écroulement du consensus autour du progrès. Plus que le mythe du progrès, c'est la stabilité sociale et politique de l'ordre industriel qui est mise en crise par la conscience accrue de dangers sans précédents, et ce au sein des sociétés les plus sécurisées par une certaine domestication du marché par des normes et des contrôles techniques et bureaucratiques. [...]
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