Pierre Clastres fait paraître La société contre l'Etat en 1974: l'ethnologue tente alors de systématiser ce qu'il a pu observer durant de nombreux voyages. L'homme de terrain (plus de dix voyages en Amérique du Sud entre 1963 et 1974) réunit les différents articles qu'il écrit à chaque retour d'expédition et leur adjoint un chapitre de conclusion qui s'intitule La société contre l'Etat. Réunir et conclure, tel est en quelque sorte la visée de Pierre Clastres dans ce livre.
[...] Ainsi on n'obéit en aucune manière au chef, on n'écoute le prophète uniquement parce qu'il fait l'apologie d'un monde sans état, on se permet d'être arrogant seulement parce qu'on sait qu'il y a là quelque chose de ritualisé et d'autorisé, que tout le monde se le permet et que personne n'écoute et prend au sérieux ce qui se dit hormis soi même. La parole semble être pour Clastres un rempart contre l'état et contre le changement. xxx 1.2 xxx Conjointement à cette pratique de la parole, d'autres facteurs participent à lutter contre l'état. Clastres distingue à cet égard plusieurs choses : les rituels initiatiques, la guerre et la faible démographie, le poids de la tradition. Les rituels initiatiques font l'objet du chapitre 10 nommées De la torture dans les sociétés primitives. [...]
[...] xxx 1.4 xxx On peut poser plusieurs limites au modèle de Pierre Clastres. L'absence d'autorité cache parfois dans son livre le très grand poids de la tradition, cette dernière étant à plusieurs égards très coercitive. On peut se demander si les sociétés primitives ne sont pas emprisonnées par cette tradition. Heureusement tout est fait pour que l'individu oublie ce poids, le principe de socialisation étant dans ces sociétés très fort (nous l'avons vu avec les rites d'initiations). Nous ne disons pas que l'Occident n'a pas elle aussi des manières très fortes pour socialiser l'individu, mais nous voulons faire remarquer que Pierre Clastres passe sous silence cet aspect très normatif des sociétés primitives qui finalement empêche toutes libertés et toutes expressions. [...]
[...] Le langage devient code et ouvre le monde à une nouvelle description que Pierre Clastres décrit comme étant très poétique. Une croyance veut que par le prophète descende parfois la langue divine, et que cette dernière délivre l'homme de son imperfection, le projette dans une terre de salut. Le langage est ici une véritable force puisque qu'il a empêché les missionnaires chrétiens d'évangéliser tous les Indiens. Clastres estime que ce type de langage est encore une fois une tentative pour s'éloigner de tout ce qui peut être une forme d'état puisqu'en filigrane de ces croyances, l'idée est forte qu'il faut s'éloigner de tout ce qui unitaire, de tout ce qui unifie. [...]
[...] Nous verrons néanmoins où réside l'originalité de Pierre Clastres. xxx 1.1 xxx Le langage a trois fonctions pour Pierre Clastres. Il est un acte religieux lorsque les prophètes parlent, il sert d'exutoire et d'échappatoire quand il se chante ou se raconte comme mythe humoristique, politique enfin, et surtout, quand il est porté par la voix solitaire du chef. Pierre Clastres montre au chapitre six que grâce à certains mythes les indiens dévaluent certaines choses qui leur font peur. Ainsi Clastres expose deux mythes qui ridiculisent le shaman, un personnage pourtant très important et respectés dans les sociétés indiennes. [...]
[...] Pour Clastres ce qui est premier dans le changement d'une société c'est la division du pouvoir, et c'est de cette division que résulte le type d'économie. La clé de l'affaire se situerait dans l'expansion démographique. Ainsi, si une tribu s'agrandit, une classe dirigeante apparaîtra, et alors, seulement, la société deviendra une société de travail, les gouvernés travaillant pour les gouvernants. Le schéma marxiste se trouve complètement inversé et invalidé. Selon Clastres l'ethnologie se fourvoie sur au moins trois points quand elle tourne son regard vers les sociétés amérindiennes : elle fait preuve d'ethnocentrisme, d'évolutionnisme, et voit le manque là où il y a du plein. [...]
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