« La Yougoslavie est née, en 1918, de l'idée de l'auto-détermination des nations chère aux vainqueurs de la Première Guerre Mondiale. Elle est morte en 1991 au nom de la même idée, reprise par les peuples sortant du communisme ». C'est de cette manière assez dramatique et quelque part théâtrale que Jacques RUPNIK commence le recueil « De Sarajevo à Sarajevo ». Certes assez général, il tente tout de même d'expliquer la causalité même du conflit et ainsi surmonter les clichés de la « haine ancestrale », de la « guerre civile » ou « tribale ». Les études présentées sous la direction de RUPNIK tentent ainsi de revenir sur non-seulement les catalyseurs immédiats du conflit qui sont bien connus suite à leur médiatisation postérieure, mais aussi sur les dynamiques profondes qui ont conduit à l'explosion yougoslave, en commençant par les aspirations même au yougoslavisme à la fin du XIX siècle. Il y a une forte volonté d'évaluer les événements afin d'exposer les clichés dont la fausseté est initiée par les vues souvent étroites de la région. On y voit donc des remarques comme « il n'existait pas un mouvement de résistance aux allemands » d'où l'évocation non-seulement de Tito mais aussi des Tchetniks serbes sous Mihajlović ; ou bien « Les croates n'étaient pas tous des oustachis » car un grand nombre d'entre eux participa dans la résistance communiste .
[...] Fondée sur une base commune de résistance et divergeant de Staline avec son autogestion, la Yougoslavie de Tito est toutefois en un lien étroit avec la décomposition de l'URSS. Le même système de centralisme démocratique (on évoquera plus tard les exceptions Constitution de 1974) nuit à la Yougoslavie de la même manière qu'à l'URSS, son éclatement et la fin de la guerre froide incitant le même processus contestataire du côté yougoslave. Cependant, parfois les auteurs font prévaloir d'une manière excédentaire les dogmes idéologiques de l'Etat centralisé. [...]
[...] Un lien étroit entre la crise du système communiste et celle de l'Etat multinational ? La similitude avec l'URSS dans le volume est assez frappante, évoquée par la majorité des auteurs. RUPNIK le nota dès le début : les deux processus de décomposition puis d'effondrement ce sont mutuellement renforcés Un certain parallélisme peut être évoqué même entre le Printemps Tchèque de 1968 et Croate de 1971 il semble qu'un tel lien peut être assez facilement établi, en vue de la position charnière slovène et croate entre le monde balkanique et centre européenne. [...]
[...] Un conflit aux causes profondes C'est justement la perspective des auteurs sur le passé yougoslave qui m'a plus intéressé et auquel j'aimerais donc consacrer l'essentiel de mes impressions. Le recueil offre sans doute les repères primordiaux pour une compréhension complète des évènements. C'est sous cet angle qu'on voit la pertinence du titre : de Sarajevo de 1914 au centre de la Première Guerre mondiale à Sarajevo la capitale bosniaque reconnue en 1995, l'échec yougoslave est ancien, ces causes profondes remontant à la fin de XIX siècles. [...]
[...] Ainsi, malgré une tentative des réformes, tels que celui de Markovic, Premier Ministre nommé en janvier 1989, un sentiment nationaliste provoqué par les élites est de plus en plus renforcé, se présentant comme la cause et la solution de tous les problèmes. On peut y évoquer le tournant de Milosevic vers l'idée de la Grande Serbie ou bien la volonté Slovène de pluralisme, qui divergent tous les deux du modèle Monténégrin voulant maintenir la Yougoslavie à fin de ne pas provoquer les conflits des minorités dans son propre sein ni de diminuer l'aide économique attribuée. [...]
[...] Une idée fragile et un nouvel Etat Pour pouvoir rétablir l'échec définitif de la Yougoslavie il peut être surprenant que les auteurs reviennent aussi loin dans l'histoire du Sud Européen. Cependant, dans les logiques nationales du XIXème siècle et notamment sa fin, ceci n'est pas sans importance d'évoquer la naissance de l'idée yougoslave même, naît de panslavisme d'après révolutions de 1848, d'illyrisme datant de Napoléon et même d'austro-slavisme plutôt slovène- croate. Les auteurs citent donc une multitude de projets à part les projets nationaux, bâtis autour de passé mythifié (il suffit de se souvenir de la Grande Serbie de Karadzic ou de la Grande Croatie de Starcevic), notamment celui de Strossmayer. [...]
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