Le suffrage universel est désormais la pierre angulaire obligatoire de tout système politique. A tel point que même les régimes totalitaires préfèrent presque toujours le manipuler plutôt que de l'interdire.
La question du suffrage universel a été la grande affaire du 19ième siècle. Le suffrage universel achève le mouvement de laïcisation du monde occidental. Avec lui s'ouvre véritablement l'âge de l'individu.
Le socialisme s'inscrit dans la vision chrétienne de l'égalité. Au début des années 1830, les pionniers que sont Buchez, Chevé, Pierre Leroux pensent la cité de l'avenir à partir de l'univers chrétien. Comme le christianisme, le socialisme a voulu réaliser une communauté de frères, beaucoup plus qu'une société d'égaux. Le projet socialiste est secrètement arrimé à la vision nostalgique d'un ordre communautaire harmonieux. Sous des formes différentes chez Proudhon, Fourier ou Marx, il a rêvé de ressusciter en l'accomplissant un mythique « socialisme primitif », forme d'organisation naturelle d'une société non corrompue. Le socialisme, tel qu'il a été formulé au 19ième siècle, n'a jamais été fondé sur l'idée d'une rupture radicale avec la société de corps. L'Église a d'ailleurs, pour cette raison, longtemps été culturellement plus opposée à l'individualisme absolu qu'impliquait le suffrage universel qu'au partage exigeant que revendiquait le socialisme. A l'autre extrémité des références historiques, le suffrage universel rompt également avec la vision antique de la démocratie. A Rome ou à Athènes, le citoyen est le membre d'une communauté juridiquement constituée, avant d'être un individu doté de droits politiques propres.
Les monarchomaques, écrivains protestants, qui s'opposent au pouvoir royal pendant les guerres de Religion ; les frondeurs qui dénoncent Mazarin ; puis à la fin du 17ième siècle les polémistes protestants qui font le procès de l'absolutisme. Tous ceux-ci, malgré leur radicalité, restent dans un univers intellectuel où il n'y a pas de place pour le citoyen-électeur. La référence à la souveraineté du peuple est une souveraineté-autorisation dont le sens est de limiter les prérogatives royales.
La notion de peuple souverain plonge ses racines dans toute une tradition de la théologie politique médiévale. C'est ce vieux fond qui est réactivé à partir de la fin du 16ième siècle.
Les Français n'ont certes pas attendu 1789 pour nommer des responsables. La procédure électorale comme mode de désignation d'une autorité religieuse/séculière est fort ancienne. On peut penser aux élections dans l'Eglise des évêques et des abbés ainsi qu'à la vieille « electio » des rois. Pourtant ces élections étaient étrangères à l'univers individualiste contemporain.
Au sein de l'Eglise :
Dès les premiers siècles de l'ère chrétienne, les Pères de l'Eglise et les conciles avaient affirmé que la voie d'élection était celle qui convenait le mieux pour désigner les évêques et les abbés. Cette tradition tombe en désuétude avec le concordat de 1516 entre François Ier et Léon X (entérine la nomination des évêques par le roi et leur institution par le pape). « Electio » signifie choix, plus qu'élection. Même lorsque c'est le peuple qui est convoqué, il l'est en tant que corps, comme totalité et pas comme juxtaposition d'individus. L'intervention du peuple a pour but d'attester la dignité d'un candidat, non de désigner un représentant. Les élections des abbés dans les ordres religieux seront bien sûr beaucoup plus formalisées, du fait même de l'étroitesse du corps électoral. L' « electio » ecclésiastique médiévale ne s'analyse donc jamais comme une procédure destinée à exprimer la volonté d'une collectivité. Elle participe seulement de la volonté divine : c'est Dieu seul qui choisit vraiment.
Au sein de la royauté :
Dans la cérémonie du sacre royal, le moment de l' « electio », tel qu'il subsiste très tardivement, n'est qu'une simple formalité qui précède immédiatement le sacre proprement dit. Ses acteurs se limitent aux personnes assistant à la cérémonie et à la foule attenante.
Au sein de la vie locale :
Au cours des procédures électorales régissant les anciennes libertés communales, l'idée d'élection renvoie beaucoup plus à l'affirmation d'une autonomie locale qu'à une philosophie de l'autogouvernement populaire. L'organisation reste le plus souvent marquée par la prépondérance des notables.
Dès lors, comment passe-t-on de la souveraineté passive du peuple à l'individu-électeur moderne ? C'est l'histoire d'un double passage : du simple consentement à l'autogouvernement, du peuple-corps à l'individu autonome. Le changement décisif n'intervient que lorsque l'individu devient véritablement reconnu comme la figure sociale centrale. Si Locke reste hostile à l'idée de souveraineté du peuple, il pose néanmoins les enjeux.
La figure du citoyen-propriétaire offre une transition commode entre le vieux monde de la représentation des Etats et des territoires, et la société des individus.
Dès le début du 15ième siècle, la participation à la nomination des députés à la Chambre des communes était liée à un critère de propriété. Ainsi, en Angleterre, à travers la figure du citoyen-propriétaire, on passe en quelques siècles d'une représentation sélective du territoire à une représentation individuelle.
A l'inverse, en France, c'est à travers une grande cassure qu'advient le citoyen moderne. Même si le citoyen propriétaire sert un moment de référence au 18ième siècle, il n'est pas un véritable modèle pour penser la citoyenneté pendant la Révolution française (RF). L'appropriation collective de la souveraineté royale apparaît comme le seul moyen d'annuler cette domination si pesante.
La démocratie s'impose dès le début de la Révolution Française comme une condition essentielle de la réalisation d'une société de liberté. Mais le politique marche à tâtons au 19ième siècle, cherchant avec Bonaparte la voie d'une citoyenneté sans démocratie, avec les libéraux de la monarchie constitutionnelle la formule d'un libéralisme capacitaire, puis avec les hommes de 1848 la réalisation d'une République utopique.
[...] Au sein de la vie locale : Au cours des procédures électorales régissant les anciennes libertés communales, l'idée d'élection renvoie beaucoup plus à l'affirmation d'une autonomie locale qu'à une philosophie de l'autogouvernement populaire. L'organisation reste le plus souvent marquée par la prépondérance des notables. Dès lors, comment passe-t-on de la souveraineté passive du peuple à l'individu-électeur moderne ? C'est l'histoire d'un double passage : du simple consentement à l'autogouvernement, du peuple-corps à l'individu autonome. Le changement décisif n'intervient que lorsque l'individu devient véritablement reconnu comme la figure sociale centrale. [...]
[...] La notion d'universalité du suffrage n'a donc rien d'évident. Dans une société de corps, la participation indirecte de tous est assurée par les corps donc chacun est membre. Dans la tête des constituants, trois critères se superposaient implicitement pour qualifier l'indépendance : l'indépendance intellectuelle (être un homme mûr, doué de raison), l'indépendance sociologique (être un individu, et pas le membre d'un corps), l'indépendance économique (gagner sa vie et avoir une profession indépendante). En 1792, la majorité politique est abaissée à 21 ans, en même temps qu'est supprimée la distinction entre citoyens passifs et actifs. [...]
[...] Ces deux raisons expliquent que le socialisme ne se voie pas durablement identifié au SU. En témoigne le maintien très tardif de la formule par le bulletin ou le fusil dans les textes de congrès. Au tournant du siècle, s'amorce ainsi un second moment de scepticisme pour les hommes de gauche, identique à celui que les républicains avaient connu en 1848-1849. Les résultats électoraux décevants ont joué un rôle majeur chez certains socialistes. Pour d'autres, c'est l'affaire Dreyfus qui a compté. [...]
[...] Si beaucoup restent circonspects, ils n'en cessent pas moins de considérer le SU comme une menace. Le parti de l'ordre se trouve conforté dans son attitude par la déception et la perplexité symétrique des républicains et des socialistes. La République conservatrice est alors triomphante, et elle culmine au début de 1850 avec le vote de la loi Falloux. Le sentiment des conservateurs vis-à-vis du SU va cependant brutalement se modifier au début de l'année 1850. La victoire de candidats montagnards connus (de Flotte, Vidal et Hyppolite Carnot, Eugène Sue à Paris) lors d'élections partielles va faire que le SU va subitement retrouver son caractère inquiétant. [...]
[...] Dans les années 1920, on voit les groupes de suffragettes brandir des pancartes aux slogans très caractéristiques. Ils disent les raisons pour lesquelles la femme doit voter : Pour supprimer les taudis Pour combattre l'alcoolisme Pour protéger l'enfance Pour lutter contre l'immoralité Pour rendre la vie moins cher Pour défendre sa famille Pour empêcher la guerre Parce qu'elles ont une sensibilité différente de celle des hommes, elles apportent quelque chose de neuf dans la vie politique : en donnant la priorité aux questions concrètes intéressant la vie et la moralité de la famille, elles limitent les effets de la pure politique partisane. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture