Corey Robin est professeur de politique associé au Collège de Brooklyn et au "Graduate Centre" de l'université de New York. Il est l'auteur de plusieurs articles dans la revue de science politique américaine, le New York Times et The London Review of Books. Son livre, La peur, histoire d'une idée politique, paru en 2004, a reçu le premier prix du "Political theory award" décerné par l'association américaine de science politique. Selon le Publishers Weekly, ce livre est l'un des meilleurs parus en 2004 (...)
[...] Les collaborateurs sont ceux qui, au bas des échelons du pouvoir, font de la peur une entreprise collective. Ce sont des personnes influentes au sein des communautés qui, profitant de la confiance qu'elles bénéficient, se chargent de conforter chez les futures victimes la peur de désobéir. Le problème est que la soumission des victimes renforce le pouvoir. Seule l'action résistante montrerait que le pouvoir n'est pas irrésistible. La séparation des pouvoirs peut malheureusement renforcer la coercition. Elle donne aux trois pouvoirs une certaine indépendance dont l'un des pouvoirs peut se 1 C'est inspiré de la théorie de Lazarsfeld sur les leaders d'opinion servir pour exercer un contrôle sur les autres. [...]
[...] A la suite du 11 septembre, la peur est devenue le seul langage de la vie politique Corey Robin entend tout simplement y résister : je refuse de me laisser dicter par un gouvernement ce dont je dois avoir peur. [...]
[...] Pour Corey Robin, cette peur est évidente dans la société américaine. L'originalité du travail de Corey Robin est soulignée par Philippe Braud dans sa préface. Ce livre fournit une dualité d'approches : l'histoire intellectuelle de l'idée de la peur est accompagnée d'une analyse précise des pratiques sociales aux Etats-Unis. Philippe Braud s'oppose néanmoins à l'approche de la peur comme un phénomène purement négatif car selon lui, la peur peut aussi être un élément de mobilisation sociale (révolutions, mouvements protestataires). Dans son introduction, Corey Robin nous rappelle que la peur est traditionnellement vue sous un angle positif : elle peut inspirer une politique, modifier la physionomie du pouvoir, permettre l'adoption ou l'abolition de certaines lois et nous enseigner le prix de certaines valeurs (démocratie libérale, tolérance, pluralisme De plus, par tradition, nous faisons aussi l'erreur de défaire la peur de son aspect politique et cela nous empêche d'analyser l'utilisation par le pouvoir politique de la peur comme instrument de coercition. [...]
[...] Selon Corey Robin, ces associations quiétistes satisfaisant l'amour de la conversation privée et à tendance non-politique, ne préparent en aucun cas l'individu à la lutte sociale ou politique. Le libéralisme de la terreur (Judith Shklar) répond à la perte de légitimité du libéralisme politique à la fin de la guerre froide. La terreur est un mal instantanément reconnaissable et le produit de la cruauté. Elle est le fondement négatif du libéralisme et permet le retour du militant et du désir de croisade. C'est plus particulièrement la thèse des néo-conservateurs américains. [...]
[...] Par l'analyse de la pensée sur la peur et des contextes politiques où celle-ci a été utilisée, Corey Robin affirme qu'il nous est impossible de résister à la peur si nous ne comprenons pas comment celle-ci est utilisée. La référence à Hobbes qui donne à la politique deux visages est intéressante à retenir. Le premier visage regarde au loin vers les ennemis extérieurs de la nation alors que le second regarde en lui-même vers les inégalités et conflits intérieurs de sa société2. La réussite du politique est de convertir le premier en second, utilisant ainsi le spectre des ennemis extérieurs pour réprimer ses ennemis intérieurs, et ce fut le cas de l'après 11 septembre. [...]
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