L'un des objectifs qui tiennent à cœur à l'auteur d'Empires of Speed est de rappeler la dimension sociale du temps. Objet de spéculations scientifiques, le temps est aussi, et avant tout, une création sociale : toutes les sociétés humaines ont élaboré un calendrier, des mythes « temporels » (âge d'or, apocalypse, vision cyclique du temps) et développé leur propre rapport au temps. Certes, le temps social ne doit pas faire oublier le temps « personnel », ou subjectif : c'est-à-dire le temps tel que nous le percevons au plus profond de nous-mêmes, de manière intuitive, lorsque nous sommes sujets à l'ennui, à la crainte, à la joie ou à l'impatience. Ce temps subjectif tend cependant à s'effacer devant le « temps social » commun à un groupe humain donné. De fait, le temps (la façon de le mesurer, de l'organiser) constitue un instrument de domination sociale. En ouverture de son ouvrage, Robert Hassan cite ainsi Barbara Adam dans Time (2004) : « Le temps a été un instrument de colonisation très efficace ».
Les sociétés du passé fonctionnaient sur la base de temporalités longues, cycliques : le mois lunaire, l'année solaire, les saisons qui correspondaient à diverses étapes du travail agricole. Avec l'avènement de la modernité et de l'industrialisation, cependant, ce rapport social au temps s'est effacé et a cédé le pas au « temps de l'horloge ». La colonisation du monde par les Européens a diffusé cette temporalité sociale particulière à l'ensemble du monde : le « temps de l'horloge » fut donc le premier « empire du temps », fondé sur des technologies modernes (l'horloge) et une idéologie (inspirées du libéralisme politique de l'esprit des Lumières).
Le second empire se fait jour à la fin des années 1970, avec le triomphe simultané des Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication (NTIC) et du néolibéralisme. La chute de l'URSS à l'aube de la décennie 1990 entraîne le basculement du monde dans une autre temporalité globale : le « temps du réseau » (informatique ou numérique) formé par les NTICs.
[...] Robert Hassan l'explique de deux façons. En premier lieu, les NTIC sont des instruments à double face L'ordinateur, le téléphone portable et autres blackberries ne sont pas présentés ni même considérés comme des instruments de travail et de contrôle par essence. On insiste au contraire sur leurs possibilités ludiques (jeux vidéos, chat ) et sur leur caractère émancipateur : être connecté au réseau permet de correspondre avec des amis éloignés, de s'évader d'un quotidien ennuyeux, d'apprendre, de s'exprimer sur des blogs ou des forums. [...]
[...] En outre, les NTIC ont entraîné une intensification du travail. Les logiciels informatiques permettent certes aux salariés d'effectuer des tâches plus rapidement, mais ce gain de productivité conduit les employeurs à leur attribuer toujours plus de missions : il en résulte un accroissement de la pénibilité du travail ainsi que du stress. La précarisation des travailleurs, mais également des entreprises (continuellement menacées par les crises boursières dues à la spéculation) conduit à un autre mal post-moderne à savoir l'hyperanxiété, d'autant plus difficile à vaincre qu'elle se fonde sur des craintes qui ne sont pas tangibles. [...]
[...] Pour Hassan, la chute du second empire temporel ne peut venir que d'une retemporalisation de nos démocraties. Il est urgent de rétablir des bornes à l'activité financière et économique, de façon à la rendre compatible avec les exigences du développement durable, de la démocratie et de l'épanouissement des individus. La crise actuelle offre sans doute une telle opportunité. Citations Sur le dépassement de la démocratie libérale et le triomphe du néolibéralisme P : La démocratie libérale en tant que forme de gouvernement est dépositaire d'une responsabilité sociale historique en matière de planification, d'organisation et d'anticipation du futur, du moins pour ce qui est de sa branche législative. [...]
[...] Les deux empires du temps Robert Hassan met en lumière la transition entre l'empire du temps des horloges et celui du temps du réseau évolution qu'il considère néfaste pour la démocratie libérale. Du temps humain au temps des horloges Premier empire temporel mondial, le temps des horloges revêt un caractère aliénant Cependant, il possède certaines limites intrinsèques qui en limitent l'impact sur les libertés individuelles L'aliénation temporelle On l'a vu : le temps revêt un caractère social, et son contrôle peut donc s'associer à diverses formes de domination et de hiérarchie. [...]
[...] Cette production de biens personnalisés fait toujours appel au travail à la chaîne, mais au sein d'équipes autonomes sur le plan de l'organisation du travail et de la distribution des tâches. Cette organisation toyotiste du travail permet certes de mieux répondre à la demande des consommateurs, mais va de pair avec une flexibilisation des horaires de travail et un réajustement fréquent du nombre de travailleurs, dont témoigne l'essor de la sous-traitance et la généralisation des CDD, notamment pour les ouvriers peu qualifiés. [...]
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