Le discours sur la réforme de l'Etat est un phénomène d'une prégnance remarquable, une composante solide des programmes électoraux annonçant l'urgence de rendre l'Etat plus rationnel, moins coûteux ou plus démocratique. Ainsi, l'administration, diagnostiquée en crise, est devenue un problème de gouvernement dans la période contemporaine. Ceci est un phénomène international.
La réforme du gouvernement, sinon de l'Etat, est un sport que chaque pays pratique dans ses traditions propres, et en France cela s'apparente à une « impossible réforme », où l'administration hexagonale pour beaucoup constituerait une institution à forte inertie, défendue par de puissantes coalitions d'intérêts, et de ce fait, irréformable.
Le système administratif a pourtant été exposé à de multiples réformes d'ampleurs variables qui ont infléchi certaines de ses caractéristiques historiques. Et tous les gouvernements français depuis 1958 se sont régulièrement préoccupés de prendre en charge des problèmes liés à l'administration et ont pris pour objet d'intervention certaines des institutions constitutives du système administratif français afin de les adapter, de les modifier et parfois plus drastiquement de les transformer.
Les enjeux de réforme évoluent, et les politiques de réforme montent en puissance, surtout depuis 2007. En effet, Sarkozy a systématisé les annonces de démantèlement des règles historiques de la fonction publique française. Mais les systèmes administratifs n'ont pas été radicalement transformés par les préceptes du New Public Management et ils ont conservé certains de leurs traits caractéristiques en raison de la robustesse des institutions administratives.
Pour autant, la réforme de l'administration s'est pérennisée dans l'état comme une politique publique singulière. Le succès des politiques de réforme étatique est révélateur des mutations de l'activité politique et de l'art de gouverner à la fin du XXe siècle. Et l'attention contemporaine qu'accordent les gouvernants à la machinerie administrative et aux moyens de pouvoir constitue un fait social étonnant, renvoyant à l'idéal d'un État totalement transparent.
[...] Mais la logique du changement valorisée est brutale et hostile à la forme bureaucratique d'administration. Avec la circulaire du 26 juillet 1995 la réforme de l'Etat est donc inscrite sur l'agenda du Premier Ministre. La nouvelle appropriation politique du thème de la réforme de l'Etat est d'abord liée à la campagne électorale de 1995. Elle est le moyen de réaliser les promesses sociales. Et la stigmatisation de la technocratie que le candidat accuse d'avoir accaparé le pouvoir et de détenir le monopole de la pensée unique est au cœur de la campagne. [...]
[...] La deuxième signification de la réforme administrative, dont la progression est constante de la période napoléonienne à la Libération, concerne la professionnalisation de la fonction publique, dans le cadre de régimes politiques successifs dominés, au 19ème siècle par l'entretien de multiples mécanismes de politisation de l'administration destinés à l'instrumentaliser et la contrôler. Le troisième enjeu des réformes de l'administration concerne la rationalisation des fonctionnements administratifs. La signification des politiques de réforme de l'administration, des années 1960 aux années 2000, est tout autre. Il s'agit désormais de remettre en cause les principes et instruments bureaucratiques développés depuis le 19ème siècle au nom de nouveaux savoirs économiques et gestionnaires fondus dans une doctrine managérialiste. Désormais les gouvernements des pays occidentaux se donnent de nouveaux objectifs. [...]
[...] Ceux-ci constituent l'instrument de référence, en théorie, de la réforme. Cette matrice budgétaire est en effet porteuse de toutes démarches rationalisatrices : explication des objectifs, organisation et affectation des moyens, contrôle de l'action, projection pluriannuelle des études coûts-avantages et développement des méthodes de contrôle de gestion afin de satisfaire aux exigences du nouveau cadre budgétaire. Les administrations doivent s'interroger sur les différentes manières d'atteindre les objectifs, mettre à plat leur fonctionnement et s'intéresser aux effets économiques, sociaux et politiques de leurs interventions sur les différents groupes sociaux. [...]
[...] Durant la même période, l'administration devient un enjeu politique, au cœur de la compétition électorale dans le cadre renouvelé de la bipolarisation entamée après 1972. Cette politisation véhicule la revendication d'un contrôle renforcé de l'administration par les élus, la dénonciation de la lenteur et de l'opacité administrative et la défense des administrés au nom de la débureaucratisation. A cette époque, le politique façonne les politiques de réforme administrative et les dispositifs de réforme s'appuient avant tout sur les élus, membres de l'exécutif ou parlementaires. Les grandes lois sur les administrés constituent les manifestations les plus tangibles du répertoire des contre-pouvoirs. [...]
[...] La prise en compte du nombre et de la masse salariale confirme bien l'émergence de ce souci de la mesure de l'Etat par lui-même. Les macro-économistes vont chercher à décomposer les opérations des administrations publiques et à modéliser les comportements de l'acteur Etat pour le rendre plus prévisible et intégrer les effets de ses actions sur les autres acteurs interdépendants du modèle. Ils ont une volonté d'améliorer la fiabilité et la précision du compte des administrations en déglobalisant les activités pour permettre l'étude des opérations circonscrites aux administrations publiques. [...]
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