Il est difficile aujourd'hui d'imaginer la confusion des esprits, le climat de guerre civile dans lequel se met en place le nouveau régime, la violence des conflits dont elle est le théâtre. En effet la Cinquième République s'installe d'emblée dans l'exception, dans l'outrance même. Elle en sera durablement marquée. De plus, De Gaulle va profondément infléchir la conception première des institutions en concentrant le pouvoir entre ses mains comme aucun chef d'état ne l'avait fait en France sous un régime démocratique.
Le changement de régime est aussi l'occasion d'une tentative de transformation profonde des équilibres politiques, des modes de légitimation de l'action publique et des qualités requises pour exercer le pouvoir politique.
[...] S'impose alors une conception technocratique du pouvoir et de l'action publique. Avec l'appui d'une haute fonction publique en forte croissance mais écartée du cœur du pouvoir politique, certains spécialistes du droit public proposent de remplacer la théorie de la souveraineté nationale héritée de la Révolution française par une théorie juridique de l'état souverain. L'état est alors défini comme la personnification de la nation, son véritable représentant. L'idée se diffuse donc de la nécessité d'une autre forme de représentation politique, d'une démocratie fondée sur la représentation de groupes socioprofessionnels organisés, gage de paix sociale et d'efficacité gouvernementale. [...]
[...] De plus sont favorisées les stratégies d'obstruction, notamment par l'utilisation disproportionnée du droit d'amendement : l'une des manifestations les plus spectaculaires de cela a été le dépôt de plus de amendements sur le projet de loi organisation la fusion de Gaz de France et de Suez en 2006. III) Le déséquilibre présidentialiste. C'est un véritable déséquilibre du pouvoir, au profit du Président, qui marque la Cinquième République. Ainsi la question des rapports entre le Président et le premier ministre est extrêmement problématique. Le texte de la cohabitation met ainsi en exergue plusieurs interprétations possibles. L'extraordinaire ambiguïté du régime de la Cinquième République n'est pas réductible aux épisodes de cohabitation. [...]
[...] Certains auteurs ont proposé d'analyser le régime de la Cinquième République et la prééminence présidentielle comme le résultat du cumul d'un certain nombre de caractéristiques politico-constitutionnelles. Ainsi la situation de notre régime est tout à fait singulière au regard des autres démocraties contemporaines, par la présence simultanée du scrutin majoritaire pour l'élection des députés, de l'élection du Président au suffrage universel direct et d'un droit de dissolution discrétionnaire appartenant à ce dernier. C'est alors le cumul des effets potentiels de ces trois variables institutionnelles qui fait la singularité de la cinquième république et qui explique à la fois la majoritarisation du régime et sa présidentialisation. [...]
[...] C'est donc bien un bouleversement des relations entre administration et politique qui caractérise d'abord le régime de la Cinquième République. Dès 1958 l'établissement du nouveau régime se donne donc à voir comme un relais d'élites. Les premières politiques publiques de la cinquième république consacrent ces élites modernisatrices en leur donnant une force sociale qui leur manquait jusqu'alors. La consolidation de la pratique présidentialiste du régime et l'affirmation d'un programme présidentiel résolument orienté vers la modernisation industrielle sous la présidence de Pompidou n'empêchent pas à la fin des années 1960 la mise à l'écart des modernisateurs historiques et d'un coup d'arrêt donné à leurs entreprises de rénovations de la représentation des intérêts sociaux. [...]
[...] IV) La Cinquième République saisie par son droit ? Le contrôle de constitutionnalité vient compenser, par une sorte d'effets de vases communicants, le déséquilibre présidentialiste et en particulier l'incapacité du contrôle parlementaire à modérer ou contredire la volonté majoritaire. Les opposants vont trouver dans la saisine du Conseil Constitutionnel une opportunité et dans sa jurisprudence des ressources politiques nouvelles pour contester le champ majoritaire. Mais pour que ce nouveau rôle attribué au Conseil Constitutionnel rencontre le succès que l'on connaît, il fallait que les représentations et les modes de légitimation de l'état changent. [...]
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