Sous-titré les grandes batailles qui ont fait l'Occident, l'ouvrage de Victor Davis Hanson a pour ambition d'expliquer une constante depuis l'Antiquité, une continuité historique, qu'est la supériorité militaire de l'Occident et sa capacité à projeter des forces armées.
Victor Davis Hanson entend par occidentale la culture de l'antiquité classique née en Grèce et à Rome, qui a survécu à l'effondrement de l'Empire romain, s'est propagée à l'ouest et au nord de l'Europe et s'est étendue au cours des longues périodes d'exploration et de colonisation aux Amériques : par Occident, l'auteur désigne donc le Vieux Continent et le Nouveau Continent, l'Europe et les Etats-Unis. Le modèle de la guerre occidentale est redevable à l'époque de la Polis grecque , à l'acmé de l'isonomia athénienne ou de l'eunomia spartiate, lorsque les armées étaient composées de citoyens-soldats réunis en rang de hoplites et préfigurant le « pro patria mori » de l'Etat-nation des 18ème, 19ème et 20ème siècles : la nécessité de promptement retourner au travail des champs imposait des hostilités abrégées, partant la recherche constante de la concentration des forces et de la bataille décisive, en d'autres termes une stratégie d'anéantissement et non une stratégie d'usure : « les batailles d'hoplites grecs étaient des luttes entre petits propriétaires fonciers, qui, d'un commun accord, cherchaient à limiter la guerre et, partant, la tuerie à un affrontement unique, bref et cauchemardesque ». Les Grecs ont donc inventé la bataille d'anéantissement appelée à devenir l'une des caractéristiques majeures de la culture de guerre moderne , les combattants occidentaux étant les enfants de cette Polis grecque.
Cette permanence de la supériorité militaire occidentale, nonobstant quelques défaites ou revers, tient au constat que les armées de l'Occident tuent davantage et mieux, infligeant de plus lourdes pertes qu'elles n'en subissent, faisant preuve d'une forme spécifique de génie meurtrier leur assurant la suprématie.
[...] Au contraire, ceux qui se gouvernent par leurs propres lois, étant donné qu'ils assument les risques pour eux-mêmes et non pour d'autres, font spontanément preuve d'ardeur et affrontent le danger, car le prix de la victoire, c'est eux-mêmes qui le remportent. Ainsi les lois contribuent de manière non négligeable à produire la vaillance De même Thucydide, dans son Histoire de la guerre du Péloponnèse, confiait-il qu' il n'y a pas de bonheur sans liberté, ni de liberté sans vaillance Victor Davis Hanson souligne dans son ouvrage que les Grecs, à Salamine (480 av. ont pu massacrer leurs adversaires parce qu'ils avaient précisément à leur côté la conscience de leur liberté et des pratiques démocratiques. [...]
[...] Cette supériorité militaire occidentale fait que, en deux mille ans, si il est fréquemment arrivé que les armées occidentales soient mal commandées, surprises par le nombre, et subséquemment défaites (la supériorité militaire n'est aucunement synonyme d'invincibilité eu égard à l'incompétence de certains dirigeants : bataille de Cannes en 216 av. JC, bataille de Rorke's Drift en 1879, bataille du Têt en 1968 aucune débâcle militaire n'a pu en revanche mettre le modèle culturel occidental en péril. La supériorité militaire occidentale peut être expliquée par trois variables indépendantes, dont l'absence chez les puissances militaires non occidentales fait que celles-ci paient le prix de croyances irrationnelles et d'autorités déifiées : un rationalisme empirique, un militarisme civique et un individualisme critique. [...]
[...] Victor Davis Hanson cite en exorde à son chapitre 9 les propos d'Hippocrate (Airs, eaux, lieux) induisant une corrélation entre culture démocratique et culture de la guerre à travers la figure du citoyen- soldat : Là où les hommes n'ont pas pouvoir sur eux-mêmes et ne sont pas gouvernés par leurs propres lois mais sont soumis à un maître, l'enjeu n'est pas pour eux de s'exercer à la guerre, mais seulement de paraître inaptes au combat. [ ] Les âmes sont, en effet, asservies et ne désirent pas se lancer spontanément dans des risques inconsidérés pour le pouvoir d'autrui. [...]
[...] Une fois le constat de la supériorité occidentale dressé au moyen de divers exemples exhumés de l'Histoire (notamment, dans le chapitre 9 nous intéressant, intitulé Individualisme, la bataille de Midway qui, du 4 au 6 juin 1942, fut la théâtre de la destruction de quatre porte-avions japonais, en quelques heures, par les forces militaires américaines[3]) l'auteur s'attache alors à étayer la thèse selon laquelle il existe une corrélation entre la puissance dominatrice de l'Occident et les formes d'organisation culturelles et politiques propres à ses sociétés, en d'autres termes les valeurs culturelles et politiques sous-tendant l'édifice des Etats occidentaux, un bagage culturel singulier se différenciant de celui des pays non-occidentaux : la culture détermine la manière de combattre, la culture propre à une société, à un Etat, à une civilisation, détermine sa façon de faire la guerre, détermine le comportement de ses combattants[4], la supériorité militaire ne dépendant pas seulement du nombre de combattants, de la connaissance du terrain, de l'armement ou de la stratégie développée mais tenant fondamentalement à un système de valeurs culturelles, politiques et religieuses qui sont celles des combattants. Les valeurs qui ont permis l'efflorescence du régime politique démocratique, de la libre entreprise et de l'individualisme (l'Occident fut l'épicentre de la diffusion des droits de l'homme et de la liberté individuelle procédant, notamment, du liberum arbitrium chrétien) ont également été au fondement, selon l'auteur, d'une supériorité militaire inégalée[5], d'une culture de guerre singulièrement efficace[6]. [...]
[...] Almond et Sidney Verba, comme l'ensemble des attitudes individuelles et orientations psychologiques que les membres d'une société adoptent à l'égard de la politique La culture de guerre évoque les rapports entre la guerre comme phénomène universel et les différentes cultures ou civilisations dans leur diversité ethnologique et historique, et cette notion de culture de guerre doit s'entendre comme les idiosyncrasies qui singularisent chaque société ou culture dans son rapport à la guerre. Ainsi la culture de guerre recoupe- t-elle la culture stratégique mais en l'englobant car culture stratégique et culture militaire supposent l'existence d'une tradition codifiée dans des doctrines et des institutions. Or, la guerre précède chronologiquement l'armée en tant qu'institution et la stratégie en tant que processus conscient de lui-même. [...]
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