« Incidents lors des rencontres sportives footballistiques entre la France et l'Algérie et la France et le Maroc, le thème omni présent de la sécurité lors de la Présidentielle de 2002, celui de l'immigration cette année, les incidents en banlieue en 2006 »...tous ces éléments, malgré le trompe oeil « Black, Blanc, Beurre » de cohésion nationale de 1998, ont fait éclater dans l'actualité des années 2000, la question d'une société qui ne traiterait pas à égal, et exclurait une population issue de milieux ethniques provenant des anciennes colonies françaises.
Ce débat très passionné et engagé a plongé la France dans une spirale de tensions sociales fortes, où la lutte pour la reconnaissance et l'accès à un certain statut d'égalité sociale pour les uns, s'est heurtée à des logiques sécuritaires et identitaires pour les autres.
C'est dans ce climat conflictuel que Myriam Cottias a publié « La question noire », où, bien que ne résolvant pas au fond le problème, propose et affirme les bases d'un travail que devra accomplir l'historien afin de pouvoir, sur le long terme diluer et apaiser ces tensions sociales ethniques. Un travail d'historien, est selon elle indispensable, dans une reformulation et interprétation du passé, car, selon un postulat socialement et empiriquement difficile à remettre en question, qu' Alexis de Tocqueville en évoquant la question noire aux Etats Unis, qualifiait en ses termes, qu' « Il y a un préjugé naturel qui porte l'homme à mépriser celui qui a été son inférieur, longtemps encore après qu'il est devenu son égal. A l'inégalité réelle que produit la fortune ou la loi, succède toujours une inégalité imaginaire qui a sa racine dans les mœurs. ».
Pour remédier à la situation conflictuelle contemporaine apportée par ce préjugé naturel, Myriam Cottias assigne à l'historien ce travail de reformation des perceptions, tout en indiquant les erreurs du passé à ne pas renouveler ; des erreurs déjà commises par les hommes de la Troisième République ou qui continuent de l'être dans la retranscription de l'histoire coloniale Française.
Le débat nous apparaît, alors bien sous jacent autour de cette « urgence » d'actualité, sur le rôle de l'historien : une vision qui, indirectement au travers de cet ouvrage, peut nous apparaître comme un prolongement à l'extrême de l'histoire, « comprendre le passé, pour comprendre le présent. »
[...] Les livres d'histoire soit glorifiant la colonisation japonaise, soit absents des programmes scolaires dénotent le malaise général d'une population confrontée à son passé. L'histoire, essentielle dans la formation d'une identité qui a toujours besoin de passé et de racines, est également souvent dans ses objets d'études et sa façon de les étudier, le reflet d'enjeux politique qu'ils soient internes ou internationaux, comme l'avant et après 3ème République ont pu nous le montrer. Il appartient donc à l'historien dans son travail, de se démarquer de l'« Actualité et de ses enjeux pour ne pas succomber aux pressions de la mémoire, afin de pouvoir établir un lien apaisé avec le passé. [...]
[...] En effet, même de nos jours, les livres et programmes relatent très peu le passé colonial. L'histoire se veut dans cette analyse comme être le socle de l'origine identitaire nationale. Partons du constat que les hommes de la 3ème république pour des raisons propres à leur époque ont construit l'histoire et l'identité française en dehors des colonies. Aujourd'hui, le contexte voit à la fois l'émergence d'une population originaire de ces anciennes colonies de plus en plus importante et de tensions qui en découlent. [...]
[...] Une histoire française abordant bien plus largement les chapitres de l'histoire coloniale serait l'oeuvre de base qui situerait l'identité noire au sein de l'identité française. Cependant, seul un travail quantitatif ne suffirait pas à pallier à ces questions identitaires. Un travail objectif d'historien Ces derniers temps en effet, sous la pression de l'actualité et des manifestations pour la reconnaissance à égal des citoyens originaires des anciennes colonies, de nombreux débats et articles ont pu être établis sur le rapport de la France avec son histoire coloniale. [...]
[...] En effet, des noirs pouvaient être des maîtres vendant de la main-d'oeuvre aux colons de la métropole ou bien d'autres ethnicités pouvaient se trouver affiliées à l'esclave, (tels que les blancs auprès de maîtres arabes), ou bien encore dans le cas des Antilles, des ethnicités de couleur foncée non originaires d'Afrique. Un amalgame qui, au delà d'impliquer l'homme noir, se prolongeait dans la notion même de colonie où l'Etat, pour la peupler, se devait ainsi d'envoyer de force les traînés et déchets de la société française : délinquants, malades . Amalgames et connotations négatives envers le noir et les colonies purent ainsi se développer. [...]
[...] En soi, d'un point de vue politique, il s'agit là d'une stratégie de formation de ces représentations tout à fait logique et compréhensible. La France, dans un climat de compétition acharnée entre les grandes puissances européennes, se devait de rivaliser sur tous les fronts ; l'un d'entre eux était la formation de sphères d'influence dans les terres inexplorées jusque-là, et en particulier, la domination économique. Ce faisant, colonisation et esclavage devenaient des enjeux politiques de la puissance qui ne pouvaient être atteints et justifiés en pratique que dans la construction sociale d'une image de l'homme des colonies inférieur Appuyée par la puissance étatique dans ces intérêts-là, cette construction de la perception inférieure du noir était rendue d'autant plus forte dans les mentalités que les agents rendant compte de l'histoire coloniale étaient avant tout des personnes vivant professionnellement de ce système, bien que pouvant être incapables dans leurs récits, de justifier cette infériorité de l'homme des colonies. [...]
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