Le défi principal de l'ouvrage "Le Président de la République " qui regroupe douze articles d'universitaires sous la direction de Bernard Lacroix et de Jacques Lagroye, est de nous présenter l'institution présidentielle hors du cadre juridique stricto-sensus, mais en mettant en avant des éléments plus implicites qui participent à la définition du poste et du rôle du chef de l'État. Le statut présidentiel occupe une place prépondérante dans le système politique français. Les institutions dessinées par De Gaulle en 1958 attribuent en effet au président de la République des pouvoirs particulièrement affirmés, et une position de domination incontestable sur les autres corps institutionnels. La médiatisation du récent scrutin atteste d'un engouement populaire sans comparaison vis-à-vis de cette institution, engouement relayé comme alimenté par les médias et l'ensemble du champ politique. Le président de la République s'avère ainsi être le centre de gravité de la société démocratique française, concerné par tous types d'enjeux, et autour duquel se définit l'ensemble des corps sociaux. Cette influence a amené certains à parler de « monarque républicain », soulignant ainsi un paradoxe flagrant, dans un pays qui, après avoir coupé la tête de son Roi, se positionne comme exemple démocratique. En revenant sur les origines de l'institution du président, il s'agira de voir comment, dans le jeu des forces politiques et constitutionnelles, le chef de l'État parvient à maintenir une telle suprématie. Pour cela, nous décrirons dans un premier temps le régime solide et l'aspect providentiel sur lesquels repose l'institution du président de la République. Puis, nous montrerons que le statut de chef de l'État dispose des ressources de droit et de politique nécessaires pour se jouer des adversités et des conjonctures apparemment défavorables, permettant la sauvegarde et la reproduction d'une posture dominante.
[...] L e système politique français contemporain repose sur l'affirmation d'un pouvoir personnifié ultra dominant. L'imposante figure du président de la République tient ses origines d'une fédération d'ententes réciproques des différents champs de pouvoirs. Elle possède par essence, avec le texte de 1958, les ressources juridiques utiles au maintien de son hégémonie. Surtout, elle dispose d'instruments symboliques et stratégiques qui lui permettent de dominer le jeu politique. Par ces deux aspects, le chef de l'Etat est le bénéficiaire d'une force indispensable pour asseoir toute forme d'autorité : la légitimité. [...]
[...] En plus du ralliement de l'ensemble des sensibilités du champ politique, il est soutenu par l'armée. La population de son côté, voit en cette figure imminente de la France victorieuse, une chance de restaurer l'ordre. En 1958, le Général de Gaulle voit ainsi son intervention légitimée par le soutien d'une multitude d'acteurs, qui, s'ils poursuivent des objectifs variés et parfois contradictoires, ont en commun la nécessité d'une intervention providentielle pour la sauvegarde de leurs positions. Ce rôle de fédérateur d'attentes réciproques constitue un élément fondamental de la fonction présidentielle. [...]
[...] Le «président constitution tel qu'il est identifié par les différents intervenants, c'est tout autant de Gaulle, père du texte ; que Mitterrand lorsqu'il fusionne avec le droit pour asseoir sa légitimité dans l'exercice de la cohabitation. Une telle posture dépasse le simple rôle de chef de l'exécutif. Et en France, le président de la République est bien plus qu'un chef de majorité gouvernementale. Les dispositions constitutionnelles en font plutôt un monarque républicain Sa puissance institutionnelle lui offre en effet la possibilité de dominer l'ensemble des champs de pouvoirs, et une capacité de se réinventer constamment. [...]
[...] Bien qu'il occupe intrinsèquement une posture dominante, qui le rend peu accessible à tout type d'agression, le président de la République fait face à un dilemme lorsqu'il est question de scandale : s'il nie et ignore, c'est qu'il est un président impuissant ; s'il était au courant, c'est qu'il est un président imposteur. Alain Guarrigou montre comment François Mitterrand a su user de sa fonction pour organiser sa défense. En choisissant de ne pas répondre aux attaques, il se positionnait une fois encore au-dessus de la mêlée politique. De cet aspect, le silence n'est absolument pas synonyme d'inaction : il fait au contraire figure de positionnement stratégique. [...]
[...] Daniel Gaxie montre comment on déplace les enjeux nationaux vers les scrutins locaux. Si bien que n'importe quelle consultation électorale en revient à se positionner pour ou contre la chef de l'Etat et sa majorité, résumant ces échéances à de simples élections intermédiaires On l'a très récemment constaté au cours des élections régionales de 2004, ou avec le référendum de 2005 sur le traité constitutionnel européen. Une telle logique démocratique amplifie encore un peu plus le leadership du Président de la République vis-à-vis du champ politique (qui ne se détermine plus que vis-à- vis de lui), tout comme il assoit sa posture hégémonique aux yeux de l'opinion. [...]
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