Démocratie - démocratie participative - budget participatif - Porto Alegre - Brésil - politiques publiques - sciences politiques - participation - gouvernement local - capacitation
Cette fiche de lecture porte sur l'ouvrage de Marion Gret et Yves Sintomer, Porto Alegre, l'espoir d'une autre démocratie, publié en 2002 aux éditions La Découverte. Marion Gret a soutenu une thèse sur l'expérience du budget participatif de Porto Alegre (IHEAL) et fait actuellement une recherche comparative sur les politiques de participation dans les villes européennes et latino-américaines. Yves Sintomer est professeur en sciences politiques, chercheur au centre Culture et sociétés urbaines du CNRS. Il est notamment l'auteur de La Démocratie impossible? Politique et modernité chez Weber et Habermas (1998). Mondialement connue pour le Forum social qui porte son nom, la ville brésilienne de Porto Alegre l'est aussi pour son modèle de démocratie. La démocratie participative pour surpasser les dysfonctionnements de la traditionnelle démocratie représentative, voilà une thématique à la mode, largement débattue ces dernières années depuis la mise en place du budget participatif de Porto Alegre, sa transposition dans nombre de municipalités latino-américaines, et ses débuts dans nos villes européennes.
Arrêtons nous tout d'abord sur une définition nécessaire, celle du budget participatif: On peut pour le définir reprendre les termes de Ubiratan de Souza, ancien élu du PT brésilien et un des pères du budget participatif, pour qui celui-ci est un « processus de démocratie directe, volontaire et universel, par lequel la population peut discuter et définir le budget et les politiques publiques ». Une définition un peu plus complète est donnée par le professeur Boaventura de Sousa Santos, pour qui la notion de budget participatif désigne «une structure et un processus de participation communautaire basé sur trois principes et un ensemble d'institutions qui fonctionnent comme des mécanismes ou des canaux pour garantir la participation au processus de décision du gouvernement municipal.» Ces trois principes sont (a) la participation ouverte à tous les citoyens, (b) la présence d'éléments à la fois de démocratie directe et représentative, et (c) l'allocation de ressources à investir. A ces trois éléments, Sergio Baierle ajoute deux autres principes: (d) « pour la première fois dans l'histoire du Brésil, une expérience novatrice de gestion démocratique surgit du bas vers le haut, sans besoin d'une loi préalable pour déterminer hiérarchiquement la place et les limites de la participation des citoyen(ne)s dans leur rapport à l' État; et, (e) la configuration d'un espace public plébéien, sur les bases de la participation directe, embryon d'un quatrième pouvoir, combinant pouvoir citoyen et pouvoir communautaire ».
Toutefois, loin de l'utopisme qui porterait à voir dans l'expérience de Porto Alegre l'accomplissement d'une démocratie participative capable de remédier à tous les maux de nos démocraties actuelles (abstentionnisme électoral notamment) , il s'agit d'analyser en profondeur l'expérience de la capitale de l'état brésilien du Rio Grande do Sul, ses logiques et mécanismes, succès et défis, pour mieux comprendre l'originalité du budget participatif de Porto Alegre (BPPA) ainsi que ses potentialités de transposition dans des contextes politiques et sociaux différents, notamment en France. Voilà la tâche que se donnent à résoudre Marion Gret et Yves Sintomer. Nous ferons tout d'abord un résumé de cet ouvrage, avant d'en présenter les principales critiques académiques, positives ou négatives, ainsi qu'une analyse plus personnelle en termes de politiques publiques.
[...] Cette logique aboutit à la création d'une seconde matrice budgétaire, qui pondère les demandes des secteurs en fonction de la population et du niveau de carence. Par une règle de trois, on y détermine le pourcentage de l'investissement global que chaque secteur obtiendra en la matière. Ex: Si le nombre total de points à l'échelle de la ville est de 400, le secteur Centro, qui se voit attribuer 12 points au titre de sa population au titre de ses carences au titre de ses priorités), aura droit à de l'investissement. [...]
[...] De plus, les 10% des dépenses soumis au budget participatif ne sont pas directement gérées par les citoyens: les décisions populaires ne sont bien souvent que des recommandations de caractère indicatif, la décision finale appartenant aux autorités du gouvernement local mentionnées plus haut. Un troisième élément atteste du rôle central du gouvernement local: l'institutionnalisation des budgets participatifs. En effet, les budgets participatifs sont l'objet d'une institutionnalisation croissante, ce qui met en péril l'autonomie de la société civile face à l'État. On peut alors craindre une bureaucratisation et une récupération politique du budget participatif, qui n'est pas à l'abri des luttes politiques. [...]
[...] L'exécutif dispose de quatre représentants: deux pour le Cabinet de Planification (GAPLAN) et deux pour la Coordination des Relations avec la Communauté (CRC). Toutefois des 96 membres du COP sont issus de la pyramide participative. C'est à cette échelle que les délégués décident des investissements budgétaires. L'élaboration participative du budget correspond à un processus continu qui s'étale tout au long de l'année (Cf. cycle annuel du BPPA en annexe). Lors du premier cycle (mars-avril), l'exécutif rend compte de l'exécution du budget de l'année précédente et présente celui de l'année à venir. [...]
[...] Finalement, le dernier défi auquel fait face le BPPA n'est pas le moindre: c'est celui de l'échelle, de la généralisation ou universalisation de l'expérience portoalegrense. Favorisant l'échelon microlocal, le risque apparent est celui de « l'esprit de clocher », les habitants mettant en avant leurs besoins spécifiques de façon tout à fait subjective, loin d'un intérêt général commun. Du côté des habitants les plus aisés, l'effet « NIMBY » (Not in my backyard) peut également apparaître: des habitants se mobilisants contre des politiques publiques sociales qui pourraient changer leur environnement création d'un HLM, implantation d'un centre d'accueil pour toxicomanes . [...]
[...] Pour ce qui est de l'Europe, Marion Gret et Yves Sintomer concluent que l'imagination institutionnelle de nos démocraties occidentales est bien faible et que nous faisons bien de nous inspirer de ce qui se développe en Amérique Latine actuellement. De fait, depuis les années 2000, on assiste à ce qu'Yves Sintomer nomme « le retour des caravelles »: l'Europe s'inspire elle-aussi de ce nouvel outil de participation venu d'outre-Atlantique. Mais le modèle de démocratie participative proposé par Porto Alegre n'est certes pas achevé. [...]
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