La démocratie représentative s'est imposée dans son principe au moment même où elle s'est fragilisée dans son fonctionnement. Elle constitue désormais le seul horizon reconnu du bien politique mais en même temps elle se trouve déstabilisée comme forme politique. Ainsi, de multiples évolutions convergent pour ébranler les objets et modes d'expression acquis de la volonté générale.
La démocratie en règle générale n'a cessé de constituer un problème et une solution pour instituer une cité d'hommes libres. Le sens flottant de ce mot participe plus fondamentalement de son essence. C'est de là d'ailleurs que procède la particularité du désenchantement qui sous-tend son histoire. La démocratie permet en effet des visions concurrentes du monde de s'en prétendre chacune la fidèle servante : en elle s'enchevêtrent l'histoire d'un désenchantement et l'histoire d'une indétermination.
Cet ouvrage se propose dés lors de penser la question de la souveraineté du peuple à partir de l'histoire de ces équivoques et de ces tensions. Aujourd'hui encore subsiste le sentiment que la démocratie reste inachevée. Pourtant, un tournant de grande ampleur va se produire en ce début de XXIe siècle. Désormais, c'est l'objet même de la souveraineté qui pose problème.
[...] Le déploiement de ces deux perversions concurrentes et parallèles de l'idée démocratique va complètement changer le cours du 20e siècle. L'avènement du communisme, du fascisme et du nazisme sur les décombres de la Grande Guerre a bien bouleversé les termes dans lesquels se posait la question de la démocratie, en France comme ailleurs. Mais même ces tempêtes n'ont pas davantage fait chanceler les institutions de la 3ème République. Malgré le poids intellectuel et politique du parti communiste et la prégnance des vieilles utopies de la transparence ou du gouvernement simple, le cadre de la démocratie moyenne dessiné dans l'entre-deux-guerres n'a en effet guère été bouleversé. [...]
[...] Elle révèle quelque chose de profond quant à la nature toujours inaccomplie et jamais complètement institutionnalisable de la démocratie. Elle est plus profondément le signe que la démocratie comporte toujours une inéliminable part de débordement de ses cadres évidents. Dès lors qu'est consacrée à la fin du 19e siècle la coupure rigide entre la vie des institutions politiques et l'expression de la société civile, la revendication d'une démocratie plus effective emprunte aussi des voies séparées. La république et l'atelier La revendication d'une démocratie industrielle symbolise à partir des années 1920, cette préoccupation d'extension, ouvrant la voie à un véritable mouvement d'universalisation des réquisits démocratiques. [...]
[...] Le terme de démocratie industrielle réapparait dans ce contexte. L'idée de démocratie industrielle va dorénavant s'inscrire dans les programmes, se décliner dans les revendications et s'incarner dans les institutions. Mais pour peiner à s'incarner dans la réalité face à un patronat arc-bouté sur ses prérogatives, le thème du contrôle ouvrier n'en devient pas moins de plus en plus accepté et banalisé. S'impose alors une certitude : la participation des producteurs à la gestion de l'industrie est aussi inéluctable au 20e siècle que l'a été au 19e siècle la conquête du suffrage universel. [...]
[...] Les rapports à la question de la démocratie sont donc extraordinairement variés dans les années 1920. Il y a encore les sectateurs d'un nouvel élitisme qui ont le culte de la force et haïssent les valeurs et les institutions de la démocratie. S'impose pourtant le constat de l'avènement d'une nouvelle économie du politique dans les années 1920. Différences et répétitions L'histoire de la démocratie en France a été faite depuis 1870 d'une série d'affrontements et de tâtonnements qui ont conduit à distance de la république absolue rêvée par les pères fondateurs à l'avènement progressif d'une démocratie moyenne. [...]
[...] De plus, pour la majorité des hommes de 1789 la notion de souveraineté de la nation se confond avec celle de souveraineté du peuple. Si tout s'organise autour du principe de souveraineté du peuple, on ne parle d'abord guère de démocratie pour caractériser le régime politique qui lui est associé. En effet le régime démocratique est presque toujours associé à des images de désordre et d'anarchie. L'idée d'un régime dans lequel le peuple est directement le législateur et magistrat ne mobilise alors personne tant elle semble renvoyer à un héritage lointain et révolu, correspondre à un stade dépassé de la vie politique. [...]
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