Né le 16 mars 1952 en Suisse, Philippe Burrin, spécialiste des totalitarismes, est l'un des historiens qui a récemment fait le plus progresser l'étude du nazisme. Il a en outre largement contribué à la compréhension du phénomène fasciste dans sa dimension idéologique et culturelle, tout en se tenant à distance des querelles historiographiques nationales sur les affres de la mémoire.
Dans Ressentiment et Apocalypse, Philippe Burin tente de répondre à trois interrogations : Alors que l'antisémitisme était répandu dans toute l'aire chrétienne, pourquoi l'Allemagne fut-elle le lieu de la tragédie ? Pourquoi le préjugé antijuif est-il devenu une sorte de norme dans la société allemande permettant au régime nazi, dont l'antisémitisme était bien plus radical, de mener sa politique sans rencontrer d'obstacles sérieux ? Et, pourquoi en est-on allé au définitive jusqu'au massacre, alors que d'autres solutions étaient envisageables ?
Philippe Burin s'attache donc plus à la question du « pourquoi » qu'à celle du comment, préférée par les historiens, en refusant tout reconstruction téléologique, à l'instar d'Emile Durkheim utilisant volontiers le concept de « mentalité allemande ». L'auteur utilise un cadre de moyenne durée, alternant le long terme et le contexte immédiat, en montrant la pluralité de l'antisémitisme et la difficulté de penser en terme de continuité, malgré l'existence de césures. Il s'attelle aux ressorts de la radicalisation, alors qu'il n'existait aucune menace véritable, en étudiant l'interprétation fantasmagorique de la réalité et sa logique interne. A l'instar du dilemme évoqué par Lévi-Strauss, l'auteur ouvre des pistes de perspectives et préfère l'explication à la description.
[...] Hitler adopte une posture de prophète et refuse d'assumer le rôle d'acteur. A l'inverse du schéma raciste agonistique, il met en place un schéma apocalyptique par des expressions condensées et emphatiques et la révélation de la guerre juive dont la responsabilité est imputée aux juifs, qui l'auront fomentée. S'il estime ne pas pouvoir décider la fin victorieuse, il affirme cependant que les juifs n'en sauront pas vainqueurs. Jamais ne sera revécu l'injuste humiliation de la défaite de 1918 ainsi que la république de Weimar. [...]
[...] Selon l'auteur, le christianisme a donné le cadre culturel, chimérique, à l'antisémitisme et, la modernité ses moyens, avec l'état moderne. La France et l'Allemagne sont dans des situations d'antisémitisme semblables, malgré le fait que sont présents en France des contrepoids plus forts : les crises nationales cherchent des boucs émissaires. Selon la notion de causalité limitée de Raymond Aron, l'auteur explique le plus large soutien populaire au parti nazi allemand, que celui français aux partis d'extrême droite par le poids de la religion et la construction de l'identité nationale en Allemagne selon trois éléments structurels : - Le premier est de type national : la jeunesse de l'état et la question de la grande Allemagne posent la nécessité de forger une identité commune à des citoyens séparées par les particularismes. [...]
[...] Philippe Burrin, Ressentiment et apocalypse, essai sur l'antisémitisme nazi Né le 16 mars 1952 en Suisse, Philippe Burrin, spécialiste des totalitarismes, est l'un des historiens qui a récemment fait le plus progresser l'étude du nazisme. Il a en outre largement contribué à la compréhension du phénomène fasciste dans sa dimension idéologique et culturelle, tout en se tenant à distance des querelles historiographiques nationales sur les affres de la mémoire. Dans Ressentiment et Apocalypse, Philippe Burin tente de répondre à trois interrogations : Alors que l'antisémitisme était répandu dans toute l'aire chrétienne, pourquoi l'Allemagne fut-elle le lieu de la tragédie ? [...]
[...] Il y a une interpénétration des registres sémantiques : le juif apparaît d'une part comme parasite, d'autre part comme satanique : on passe du microbe au cosmos, de l'infra au supra humain : la déshumanisation apparaît sans faille. L'antisémitisme nazi se renforce d'être inclus dans un racisme strict dont la virulence est redoublée par le schéma apocalyptique du Bien et du Mal. La nomination d'Hitler au pouvoir en 1933 apparaît comme l'élément déclencheur de l'intériorisation de l'antisémitisme dans la population allemande. [...]
[...] L'association du prophète et du rire juif méprisant souligne la profondeur du ressentiment individuel et collectif. La radicalisation s'effectue en 1941 alors que la guerre devient longue : la grille apocalyptique est alors validée. Le rapport de force s'est irrémédiablement inversé. La radicalisation est alors justifiée par le sang allemand qui coule par la guerre juive Il faut à la fois se venger, protéger les générations suivantes puis éradiquer le christianisme et les Eglises, vecteurs de l'empoisonnement, et remplacer le vide laissé par l'admiration de la divine nature. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture