Intellectuel français et chercheur au CNRS, Edgar Morin est un observateur privilégié de la vie politique de la deuxième partie du XXe siècle. Néanmoins, ce n'est pas seulement son statut d'intellectuel qui rend intéressante la démarche de Morin consistant à rechercher une définition de l'Europe, mais aussi l'expérience de ce dernier. Edgar Morin fut en effet, de son propre aveu, longtemps anti-européen, notamment parce qu'au sortir de la guerre, l'URSS semblait porteuse d'une universalité plus authentique que l'Europe encore coloniale : « Toute identité européenne me semblait étriquée et mesquine, alors que nos libérateurs venaient de Sibérie et du Texas pour arracher les barreaux de la prison de l'Europe ». L'auteur voyage donc beaucoup et prête peu d'attention à la création du Conseil de l'Europe en 1949 puis à celle de la CECA en 1951, développant par ailleurs son engagement pour le communisme dans Allemagne An Zéro (1946). Il faut attendre les années 1950 et la prise de conscience de la réalité stalinienne d'une part, et le choc pétrolier européen de 1973 d'autre part, pour qu'Edgar Morin opère un revirement qui motivera une réflexion nourrie sur l'identité européenne.
[...] Mais elle n'en reste pas moins un formidable moteur en dépit des crises morales qu'elle engendre, précisément parce que toute crise appelle un rebondissement, à l'instar de la crise nihiliste qui rappela à l'Europe le caractère rassurant de la foi religieuse. La dialogique, c'est donc le débat permanent, l'affrontement fécond des pensées qui fait la spécificité de l'identité européenne : Le génie européen n'est pas seulement dans la pluralité et dans le changement, il est dans le dialogue des pluralités qui produit le changement 153). Le second trait majeur de l'identité européenne est l'humanisme, étroitement lié à la dialogique dont il partage le point de départ. [...]
[...] L'auteur résume tout le problème en deux phrases : L'Europe était une notion à frontières territoriales floues et à frontières historiques changeantes. Aujourd'hui, ce sont les frontières civilisationnelles qui sont floues, puisque la civilisation a déferlé et déferle toujours sur le monde (p76). Si bien que tout l'enjeu est de chercher dans le présent et non dans le passé un principe d'organisation européenne (ibidem), ou autrement dit se poser la question d'un projet européen qui résoudrait à la fois la question de l'identité et des membres composant cette entité politique. [...]
[...] En effet, en voulant attribuer aux intellectuels un rôle d'éclaireurs et catalyseurs il peut sembler conforter l'idée d'une Europe faite par le haut à l'heure où le peuple exprime son impression de ne pas être écouté, notamment par l'échec de la Constitution européenne en 2005. Une pensée de l'identité européenne qui perpétue celle des fédéralistes Aussi propre à Edgar Morin que soit l'utilisation fréquente du terme dialogique pour définir les phénomènes d'interaction et les antagonismes qui ont structuré l'identité européenne, le fond sa pensée se pose en fait dans le droit sillage des penseurs fédéralistes qui l'ont précédé, comme Denis de Rougemont ou Alexandre Marc. [...]
[...] Plutôt que de céder à la tentation du protectorat de l'un ou l'autre côté, Edgar Morin recommande donc à l'Europe de s'unifier comme province méta-nationale (Epilogue) , c'est-à-dire comme puissance unifiée et indépendante qui soit à la fois retirée du rapport de force entre les deux puissances et en mesure de faire entendre sa voix. Conscient de la lenteur de sa construction politique alors que le besoin se fait pressant, il ne donne pas de clé idéologique mais cherche à nouveau à ressusciter une méthode héritée de la Renaissance humaniste, celle des intellectuels comme instigateurs d'un mouvement politique : L'Europe n'a pas de messie et ne doit pas en avoir. Mais elle pourrait, devrait avoir ses éclaireurs et ses catalyseurs ( p 215). [...]
[...] Penser l'Europe, d'Edgar Morin Intellectuel français et chercheur au CNRS, Edgar Morin est un observateur privilégié de la vie politique de la deuxième partie du XXe siècle. Néanmoins, ce n'est pas seulement son statut d'intellectuel qui rend intéressante la démarche de Morin consistant à rechercher une définition de l'Europe, mais aussi l'expérience de ce dernier. Edgar Morin fut en effet, de son propre aveu, longtemps anti-européen, notamment parce qu'au sortir de la guerre, l'URSS semblait porteuse d'une universalité plus authentique que l'Europe encore coloniale: Toute identité européenne me semblait étriquée et mesquine, alors que nos libérateurs venaient de Sibérie et du Texas pour arracher les barreaux de la prison de l'Europe L'auteur voyage donc beaucoup et prête peu d'attention à la création du Conseil de l'Europe en 1949 puis à celle de la CECA en 1951, développant par ailleurs son engagement pour le communisme dans Allemagne An Zéro (1946). [...]
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