Ancien résistant et opposant au nazisme et au stalinisme, Edgar Morin est directeur de recherches au CNRS. Acteur et témoin de la vie politique, sociologue du contemporain, penseur des problèmes fondamentaux des sciences de l'homme, il s'attache aujourd'hui à la recherche d'une méthode de connaissance apte à saisir la complexité du réel , en mobilisant divers concepts d'organisation, tels les principes de récursion (les produits et les effets sont eux-mêmes producteurs et causateurs de ce qui les produit), hologrammique (la partie est dans le tout et le tout dans la partie) et dialogique (union créatrice de deux réalités antagonistes).
Cette réflexion sur la complexité organisationnelle du monde sous-tend l'ouvrage Penser l'Europe. Ecrit en 1987, ce livre renferme les interrogations du philosophe français sur l'idée d'Europe et son avenir communautaire en ces temps incertains de la fin de la Guerre froide, avant que la construction communautaire ne soit relancée par le traité de Maastricht en 1992. En perpétuel devenir, l'Europe plurielle vit pour la première fois dans les Temps modernes un destin commun. Sera-t-elle toutefois en mesure de concrétiser le projet d'organisation commune forgé dans les années de la reconstruction, après l'épisode douloureux de la Seconde Guerre Mondiale ? Sera-t-elle capable d'élaborer et de vivre un dessein commun non seulement économique mais aussi politique ? La question demeure pour Edgar Morin largement ouverte.
[...] Entité historique inscrite dans un territoire géographique construit, l'Europe admet par ailleurs pour fondement de son identité une culture propre reposant sur la dialogique. Fils du judéo-christianisme, terreau des valeurs de spiritualité, d'humanisme, de rationalité et de démocratie, mais aussi héritier de la pensée grecque productrice de la Science et de la Raison modernes, autant de vertus inséparables de leurs sombres contraires -arbitraire, racisme, totalitarisme le génie européen ne se situe pas uniquement dans la pluralité et le changement, i.e. dans la production du nouveau à partir de l'ancien. [...]
[...] Points volumes. [...]
[...] Pourtant, la première Europe des lendemains de guerre est de portée modeste. Motivée par la double volonté d'exorciser le spectre de la menace ancienne en intégrant l'Allemagne dans l'Europe et de prévenir la menace nouvelle que fait peser sur le monde libre le regel stalinien, insufflée par les partis socialistes et démocrates chrétiens, la nouvelle conscience européenne s'enracine dans le seul nucleus économique. L'identité européenne, multiple, n'est, en effet, pas encore totalement dégagée de ses sombres aspects impérialistes et nationalistes ; et les intellectuels de gauche, attirés par le communisme soviétique, demeurent perplexes devant le déclin politique du continent et ses apparentes hésitations entre tendances humaniste et colonialiste, civilisatrice et oppressive. [...]
[...] Telle est la double mission fondatrice, culturelle et politique, qui s'impose aux intellectuels : ouvrir l'identité européenne, fondamentalement dialogique, aux cultures extérieures, dont elle a à s'enrichir ; et dans cette ouverture sur le monde, protéger, régénérer, ressourcer, développer et porter au dehors, en vertu de l'universalité des grandes idées européennes, la démocratie, à la fois produit et garant de la pluralité identitaire en tant qu'elle institue une relation dialogique entre l'individu, le collectif et l'étatique. La construction de l'Europe, comme méta nation et comme acteur international reconnu, repose donc sur la réactivation des traits fondamentaux de l'identité européenne, traits forgés dans les siècles d'Histoire : le dialogisme et l'universalité. Bibliographie Penser l'Europe, Edgar Morin, Poche 1990 MORIN (Edgar), La Méthode Paris, Le Seuil, coll. [...]
[...] La question demeure pour Edgar Morin largement ouverte. Une identité européenne dialogique porteuse d'universalité vouée au devenir Univers de petits compartiments culturels locaux, régionaux, provinciaux et nationaux, dépourvue d'unité géographique interne mais ouverte sur le monde, l'Europe s'est patiemment construite, dans le tourbillon des âges, en des métamorphoses incessantes. Au-delà septentrional informe du monde antique gréco-romain, l'Europe entre dans l'Histoire au Ve siècle dans le tohu-bohu des invasions asiatiques et germaniques qui désintègrent l'Empire romain d'Occident et morcèlent les territoires en une mosaïque d'innombrables peuplades, bigarrure ethnique sur laquelle les siècles vont tramer les formes et les figures de l'Histoire du continent. [...]
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