L'Amérique Latine a connu un mode de développement bien propre au cours du XXe siècle, qui le différencie des autres continents. Toutefois, ces caractéristiques varient d'un pays latino-américain à l'autre. Le modèle des « politiques nationales-populaires » que propose Alain Touraine se base sur la pratique par les gouvernements d'une politique populiste, par laquelle les Etats et les leaders des régimes vont s'assurer une légitimité auprès du peuple, non à travers des mécanismes de représentation et de délégation démocratique, mais par l'intégration et la participation des classes sociales populaires. Cependant l'Etat n'est pas le reflet d'une structure de classe, il se réclame plutôt du peuple en tant que communauté ou entité collective. L'Etat joue un rôle central dans la construction d'une identité nationale et du processus de l'industrialisation, souvent en adoptant une position anti-impérialiste, hostile à la domination étrangère. En effet, le populisme peut être considéré, selon Touraine, comme une « réaction à une modernisation dirigée du dehors » et une « tentative de contrôle antiélitiste du changement social. » Mais paradoxalement, il n'hésite pas à recourir au clientélisme pour maintenir une certaine cohésion sociale. Ainsi, plusieurs contradictions apparaissent dans le discours populiste, surtout entre la parole et l'action. Par exemple, l'ordre oligarchique est maintenu par un Etat qui cherche en même temps à intégrer les classes populaires au régime politique.
Nous pouvons alors nous demander dans quelle mesure les politiques nationales populistes ont répondu aux attentes sociales et économiques des sociétés latino-américaines, dans cette première moitié du XXe siècle.
Si les Etats et les partis nationaux populaires cherchent à construire la nation en pratiquant une politique populiste, dont les traits caractéristiques sont l'intégration du peuple à l'Etat et le rejet d'une modernisation venue de l'extérieur (I), l'ordre oligarchique n'est pas remis en cause et de nombreuses contradictions à l'intérieur du système national populaire viennent ébranler sa puissance (II).
[...] Son idéologie justicialiste ouvre le système politique aux masses laborieuses. Le régime initie un mouvement d'intégration économique, sociale et politique. Le mouvement puissant d'intégration économique, sociale et politique. La conjoncture économique est favorable à Perón dans un premier temps, mais peu à peu le régime sombre dans la crise. La révolution sociale de Perón coûte cher, et les gains de productivités ne compensent pas les dépenses. Dans leur ensemble, les Etats nationaux populaires intègrent les masses populaires, qu'elles soient urbaines et rurales par des séries de réformes sociales et par une mainmise sur les syndicats; les Etats interviennent dans l'économie en nationalisant les entreprises privées, comme José Figueres au Costa Rica avec la nationalisation des secteurs bancaires. [...]
[...] Alain Touraine va renforcer ce rejet de la domination étrangère en qualifiant le populisme de réaction anti-rationaliste contre l'universalisme de la modernité élaborée par les Anglais et les Français au XVIIe et XVIIIe siècles. Plus concrètement, l'Etat national populaire intervient activement dans le processus d'industrialisation (par la nationalisation des entreprises, par des investissements et des lois sociales au bénéfice des nouvelles catégories de travailleurs). Il met également en valeur la spécificité de la culture nationale et garantit la continuité de la société. [...]
[...] De nombreux exemples de partis et d'Etats nationaux populaires illustrent cette tendance. Partis et Etats nationaux populaires Les partis de tendance populiste Les partis nationaux populistes ne s'organisent pas autour d'un thème dominant mais autour d'un leader qui intègre plusieurs thèmes à sa politique : anti-impérialisme, identité nationale, intégration des masses populaires. Parmi les partis de tendance populiste, on peut citer celui de l'Unión Nacional Izquierdista Revolucionaria créé par Gaitán. Sa déclaration Je ne suis pas un homme, je suis le peuple ! [...]
[...] A-t-il vraiment remis en cause l'ordre oligarchique et intégré les couches sociales populaires? Nous allons voir que même si le populisme a permis une ouverture du système politique, celle-ci reste illusoire, et le fait qu'il maintienne l'ordre oligarchique constitue la première de longue série de contradictions. II) Cependant, le populisme présente de nombreuses contradictions internes, par le soutien des oligarchies La politique nationale populaire protège la bourgeoisie d'Etat Les exemples du Brésil et du Mexique Nous allons voir que certains Etats comme le Mexique et le Brésil protègent et s'appuient sur les classes sociales dominantes, et que si ils encadrent les syndicats c'est pour mieux les contrôler. [...]
[...] La force de mobilisation et le charisme du leader du parti sont tels qu'il unit des demandes très diverses. En Bolivie, la décomposition puis l'affaiblissement du MNR (Mouvement national révolutionnaire) de Víctor Paz Estenssoro montre à quel point la puissance des régimes nationaux populaires dépend des tendances à l'intégration nationale, à l'urbanisation, à l'industrialisation et à une conjoncture économique favorable. Depuis son accès au pouvoir en 1952, le parti n'a cessé de se diviser. Les partis nationaux populaires n'ont pour la plupart pas réussi à accéder au pouvoir. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture