Le Palais de Justice, Préface, Robert Badinter

Résumé du document

Dans cette préface, Robert Badinter analyse la représentation de la justice du XVIIIème siècle à la première guerre mondiale à travers son architecture. Sa démarche est à la fois historique et anthropologique. Il s'interroge sur la signification des symboles et l'idée de justice véhiculée par l'architecture et la décoration des Palais. L'objet de cette démarche consiste donc en un déchiffrage des codes visuels et de ce qu'ils révèlent sur l'idéal de justice de l'époque et son institution. Il compte ainsi livrer un apport à la mémoire de la justice en montrant ses fonctions symboliques à la fois éthique et politique. Le Palais de justice exprime donc les valeurs de la justice et traduit un système de pouvoirs. Ce sont des principes que l'on voit en analysant l'architecture de l'édifice extérieur, son intérieur ainsi que sa décoration. D'après R. Badinter, l'architecture du Palais de justice révèle l'esprit des Lumières et de l'époque. Ainsi, les deux fonctions de la justice, régir par sa force et apaiser par sa protection, sont présentes dans l'architecture du Palais. L'idéologie judiciaire se retrouve donc dans le visuel judiciaire.

Extraits

[...] En témoigne la tentative d'établissement de juges de proximité pouvant siéger en audiences foraines et portant une médaille plutôt que la robe. Cette robe, importante sur le plan des rituels judiciaires, témoigne d'une volonté de donner une indépendance et une hauteur à un juge asexué. La place des rituels, des symboles et de l'architecture est importante. Dès lors, on peut se demander ce qu'il en est des tribunaux modernes. Si la justice du XVIIIème veut affirmer sa place et son autorité, qu'en est-il de la justice d'aujourd'hui ? [...]

[...] L'objet de cette démarche consiste donc en un déchiffrage des codes visuels et de ce qu'ils révèlent sur l'idéal de justice de l'époque et son institution. Il compte ainsi livrer un apport à la mémoire de la justice en montrant ses fonctions symboliques à la fois éthique et politique. Le Palais de justice exprime donc les valeurs de la justice et traduit un système de pouvoirs. Ce sont des principes que l'on voit en analysant l'architecture de l'édifice extérieur, son intérieur ainsi que sa décoration. D'après R. Badinter, l'architecture du Palais de justice révèle l'esprit des Lumières et de l'époque. [...]

[...] Le caractère sacré du temple montre la raison ainsi que la sagesse de la justice, abritée en recul et isolée. Son autonomie marque aussi le changement vers une séparation des pouvoirs et le passage de la monarchie absolue à un Etat de droit. De plus, l'intérieur de l'édifice témoigne du même symbolique est assure la primauté du juge qui domine grâce à une distance imposée à l'audience. Les rituels judiciaires sont de ce point de vue très éclairants. Finalement, la décoration intérieure de l'édifice rappelle la sévérité de la justice par des symboles classiques notamment concernant les peintures révélant la sagesse des anciens. [...]

[...] Il me semble que l'architecture d'un Palais de justice révèle l'idée qu'on se fait de la justice à un moment donné mais elle explique aussi le rapport du justiciable à celle-ci. L'idéal révolutionnaire de la justice semble bien être représenté par l'architecture du Palais mais elle ne reflète pas la réalité d'une justice en pratique cantonnée et contrôlée au profit du culte de la Loi face aux dérives monarchiques. Cet idéal de justice sage et raisonnée ne peut être réaliste dans la mesure où la Justice est une vertu appartenant à tous mais elle n'est rendue que par des êtres humains qui ne sont pas à l'abri d'erreur. [...]

[...] Quelle image de la justice veut on donner par l'intermédiaire de son architecture ? La justice d'aujourd'hui doit se rapprocher du justiciable et mettre en avant son rôle de protection. Elle doit aussi laisser la place à une forme de justice différente constituée par les modes alternatifs de règlement des conflits. Il faudrait permettre aux justiciables de dialoguer plutôt que de s'en remettre à une autorité supérieure qui tranche pour eux. Peut-être faudrait il moderniser certains des rituels judiciaires de façon à allier l'impératif de solennité et d'indépendance de la justice à un nécessaire rapprochement des justiciables. [...]