Les auteurs s'interrogent sur les modifications des comportements politiques ouvriers, sur leur ampleur et leurs corrélats (représentations, attitudes, affects) : Quels facteurs idéologiques sont nouveaux et lesquels relèvent au contraire d'aspects mal évalués naguère ?
Dans la première partie, ils construisent le modèle d'une culture politico-idéologique originale, historiquement construite, appelé « gauche ouvrière classiste », sur la base d'entretiens non directifs réalisés en 1966, et confirmé par les données qualitatives et quantitatives de 1978. Ce modèle a trois caractéristiques: tout d'abord il existe une dichotomie entre « eux » qui vivent bien et « nous » ouvriers, et un profond sentiment d'injustice en découle, ensuite cette condition est partagée et constitue un groupe ou une classe, enfin les ouvriers ont une conscience empirique de la dimension sociale de leurs problèmes. Ces ouvriers protestataires de 1966 comme de 1978 contestent le modèle socio-économique, dont la violence et la délinquance sont les conséquences, mais pas les modes de consommation caractéristiques de la société. Le libéralisme culturel est une nouveauté en 1978, la volonté de tolérance et le refus de norme établie étant explicites chez les plus jeunes générations. On observe une réelle continuité car il existe toujours un espoir et une volonté de changement, non en rupture avec la société actuelle, mais plutôt comme la réalisation démocratique et progressive des principes sociaux d'égalité. Dans ce modèle, le clivage politique et celui de classe se superposent. Ces ouvriers veulent des réformes « par étapes », et c'est à la gauche qu'ils font confiance pour y parvenir. Ainsi, plus on est ouvrier, plus on adhère aux idées de la gauche politique et syndicale, surtout au refus protestataire du libéralisme économique, mais plus on adhère également au complexe autoritaire xénophobe. Malgré tout, on ne peut conclure à un « tiraillement » des ouvriers à gauche et à droite, même si la cohérence idéologique est plus fréquente dans les tranches d'âge jeunes.
[...] On observe une réelle continuité car il existe toujours un espoir et une volonté de changement, non en rupture avec la société actuelle, mais plutôt comme la réalisation démocratique et progressive des principes sociaux d'égalité. Dans ce modèle, le clivage politique et celui de classe se superposent. Ces ouvriers veulent des réformes par étapes et c'est à la gauche qu'ils font confiance pour y parvenir. Ainsi, plus on est ouvrier, plus on adhère aux idées de la gauche politique et syndicale, surtout au refus protestataire du libéralisme économique, mais plus on adhère également au complexe autoritaire xénophobe. [...]
[...] Plus on est ouvrier, plus la double crise, de sens et de désengagement, signifie désaffiliation à gauche. Tous ces changements politiques semblent signifier l'implosion du modèle classiste Mais cela n'est pas dû à une dépolitisation par rapport à 1978 dont les indices n'apparaissent pas. Il s'agit plus d'une défiance au système et à ses représentants. - Il n'y a vote frontiste, et alors concurrence à la droite parlementaire, que dans le cas d'une adhésion extrême aux thèmes autoritaires et xénophobes. [...]
[...] En fait, les voix ouvrières se reportent plus souvent sur le FN. Depuis 1988 la poussée des propensions et mobilisations protestataires signifie un fort taux d'implication politique mais une déconnexion accrue entre la politique et la réalité quotidienne des milieux populaires qui amène à un jugement négatif du personnel politique et du fonctionnement institutionnel. L'attachement au droit à la grève et aux droits sociaux ne favorise pourtant pas la tendance autoritariste de parti de l'ordre L'apolitisme ne renvoie pas à une passivité satisfaite ou à indifférente, contrairement à ce qu'il est régulièrement admis. [...]
[...] Années 1960 : domination de la droite, et du PC à gauche (construction du modèle classiste) 1978 : Point d'orgue électoral de la gauche chez les ouvriers (confirmation du modèle classiste) 1981-1988 : Déclin du PC en faveur du PS, émergence du FN (première rupture) Le vote communiste recule massivement et durablement car le sentiment d'appartenir à la classe ouvrière s'effondre. Les auteurs remettent en cause les effets répulsif et propulsif du modèle soviétique sur les ouvriers communistes car il n'y a pas d'espérance millénariste notable. Les défections communistes se réalisent au profit du PS et la capacité d'encadrement et de mobilisation du mouvement syndical baisse sur la longue durée. L'autoposition à gauche dans le groupe ouvrier recule donc, contrairement aux catégories non ouvrières, mais cela ne correspond pas à une translation vers la droite. [...]
[...] Cependant, la nécessité de lectures verticales et horizontales n'empêche pas une sensibilité aux hasards d'échantillonnage. De plus, la subjectivité de l'analyse interprétative du chercheur supprime la valeur de démonstrative aux constructions ainsi obtenues. Enfin, il peut sembler paradoxal de s'adresser aux individus dans leur particularité pour atteindre ce qui est social, bien que cela permette de reconstituer les modèles culturels sous-jacents au discours d'individus, à la fois acteur et vecteur d'un certain nombre de modèles de pensée et de comportements Les auteurs se justifient en affirmant que le plus déterminant psychologiquement a de grandes chances de révéler le plus significatif pour l'explication sociologique. [...]
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