Olivier Reboul, Le discours idéologique, in "Langage et idéologie" (1980) et Louis Althusser, extrait d’ Idéologie et appareils idéologiques d'Etat, in "Positions" (1964-1975)

Résumé du document

En 1998, Daniel Bell signait un livre au titre interpellant : "La fin de l'idéologie". Les années 90 voient le passage d'un siècle à l'autre, celui des « grandes idéologies », marxiste et fasciste à celui de ce qui devait être le triomphe du modèle capitaliste, celui du « monde libre ». Mais les espoirs idylliques nés de la chute de l'URSS s'effondrent bien vite face aux réalités du nouveau monde plus complexe. Bien que ce monde-là ne soit plus structuré par les luttes idéologiques et que ce XXIe siècle ne soit plus celui des idées, peut-on pour autant parler de fin de l'idéologie ? L'erreur majeure qui est faite lorsque l'on parle d'idéologie est d'associer le déclin du concept à la disparition de ses objets que furent les grands récits des régimes totalitaires. Ou encore de s'en tenir à l'appréciation courante du terme qui y voit un dogme, un «système d'idées générales constituant un corps de doctrine philosophique et politique à la base d'un comportement individuel ou collectif ». Cette définition reste mince, même si elle nous amène au moins à penser que l'idéologie ne se limiterait donc pas aux idéologies fascistes et marxistes, alors que les travaux sur la question sont nombreux.

Extraits

[...] Reboul titre sa première partie tout langage est-il idéologique? mais c'est à dessein que nous utilisons directement le terme de discours, entendu comme Reboul le précise un peu plus loin, comme une réalité intermédiaire entre la langue et la parole. L'auteur prend le contre-pied de ce qui semble être la réponse acceptée à notre question, à savoir que tout discours est idéologique parce que c'est la forme même de l'idéologie. En effet les thèses que des auteurs comme Barthes ou Foucault avancent est que le discours par sa nature même met en place un assujettissement une exclusion. [...]

[...] Pour en revenir à la première distinction faite entre idéologies et idéologie, l'idéologie existe sous différentes formes que sont les idéologies et n'existe qu'en tant que tel. Ce n'est pas une abstraction : ici le logos et praxis est consubstantiel et l'un sans l'autre n'a pas de sens. Cette notion est fondamentale dans la théorie de l'idéologie dans la mesure où elle lui donne toute son importance puisque l'idéologie n'est pas qu'un imaginaire abstrait mais est une action, une réalité qui détermine la réalité sociale représentée. [...]

[...] Ceci est fondamental non seulement pour tout travail d'analyse du discours mais aussi pour s'assurer une compréhension plus globale du monde qui nous entoure. Reboul (1925-1992) dont est tiré l'extrait de Langage et idéologie qui nous intéressera aussi, s'est à son tour penché sur cette question bien qu'il écrive en 1980, à une époque où l'idéologie commence à moins faire débat, que cela soit lié au déclin de l'URSS ou à l'importance et à la pertinence de travaux précédents. Ce concept [d'idéologie] qui autorisait tant de recherches dans les années 1950-1970 a en quelque sorte changé de statut scientifique. [...]

[...] Sa vision de son rapport individuel aux rapports sociaux (de production dans une société capitaliste) est lui aussi faux : ainsi Althusser écarte l'explication première consistant à croire que l'idéologie a été mise en place par une clique pour s'assurer le pouvoir en imaginant une représentation fausse imposée aux dominés. Cette clique ayant elle-même une représentation imaginaire (donc fausse) de son rapport avec ceux qu'elle est censée dominer, elle ne peut être la cause de l'idéologie (l'utilisation du terme cause est délicate parlant de l'idéologie puisqu'elle est omnihistorique). [...]

[...] Texte de Reboul, p.37, Ibid, p.46, Ce qui est constitutif du pouvoir qui s'exerce toujours sur quelqu'un ou quelque chose et au travers, via quelque chose, via des mécanismes de coercition. Texte de Reboul, p.37, Michel Foucault, l'ordre du discours, Gallimard Texte de Reboul, p.38, Texte de Reboul, p.39, Je t'obéis parce que tu es beau ; aime-moi parce que je suis fort ; . Voilà autant d'exemples de ce que Pascal appelle la confusion des genres. Cf les thèses d'Heideger. [...]