Dans L'Obscénité démocratique, Régis Debray nous livre sa vision d'une certaine évolution de la société, et en particulier dans son rapport au politique et à la vie publique, en cours depuis une vingtaine d'année. Il observe en effet une désacralisation de l'Etat et des rituels de la vie politique.
Régis Debray part de la notion de « spectacle », qu'il définit comme « outre un rassemblement volontaire […], outre un face-à-face entre assistance et acteurs, la convention préalable d'un comme si. D'un décrochage », en somme une parenthèse, faite de convention, de symboles voire de sacralité, dans la vie de tous les jours. Le spectacle ne se limite pas à l'évènement sportif ou ludique, il trouve aussi un avatar dans tous une série d'éléments de structuration de la société, fondés sur le caractère exceptionnel du moment, du lieu, des insignes des officiants…ainsi, pour reprendre Debray, l'exercice de la justice ou l'uniforme des policiers. Or, selon l'auteur, sous l'effet d'une volonté nouvelle et pressante de vérité (ou de qui est supposée l'être), de rejet des rituels vus comme désuets et d'une « société de spectacle » considérée comme factice et hypocrite, s'opère une invasion de la sphère symbolique du spectacle par le réel, par la vie courante dans sa banalité et sa médiocrité : Debray cite le cas de la justice « à hermine et mortier » concurrencée par l'apprêt voulu moins solennel des médiateurs civils en tenue de ville, des classes de français où l'on remplace le monument littéraire par un banal document d'actualité, etc. Debray y perçoit un danger pour la politique elle-même, censée être ritualisée et relevant largement du spectacle…
[...] Fiche de lecture : l'obscénité démocratique (R. Debray) I. L'auteur Régis Debray est un écrivain et philosophe français, également spécialiste des médias, né à Paris en 1940. Entré brillamment à l'Ecole Normale Supérieure de la rue d'Ulm en 1960 (il est major au concours d'entrée). Assez tôt engagé en politique, au sein du Parti communiste, il s'expatrie à Cuba en 1961, où il assiste à la mise en place du régime socialiste de Fidel Castro et d'Ernesto Che Guevara, il suit ensuite ce dernier dans son parcours pour créer dix, cent, mille Viet-Nam et spécifiquement en Amérique du Sud. [...]
[...] Pour conclure, selon Régis Debray, tout comme le théâtre, la politique est certainement un art coûteux, ridiculement pompeux, élitiste, et il a subi durement la marque des ans. Mais elle n'en demeure pas moins essentielle, en tant que facteur de civilisation des mœurs et, surtout, de générateur de rêve collectif. III. Critique L'Obscénité démocratique est un livre que, globalement, j'ai plutôt apprécié. Il est certes parfois difficile à lire. Le style est assez ampoulé, voire un brin pédant, en même temps que presque parlé ce qui rend la lecture de l'ouvrage plutôt déroutante de prime abord. [...]
[...] Le garde des Sceaux a alors lu un texte écrit, sans gesticuler, du haut d'une tribune incitant à cet art oratoire ample et vouvoyant qui, depuis la Révolution jusqu'à hier a fait l'histoire de France Voilà exposé, en quelques lignes, toute la portée, la force et le caractère indispensable du symbole et de la théâtralisation, facteurs de sacré, dans le domaine de la politique. Pour finir, Régis Debray livre au lecteur ses attentes, ses espoirs. Le titre du dernier chapitre est à cet égard très évocateur : Soyez pragmatiques : offrez-nous des légendes. [...]
[...] Une fois libéré, c'est au Chili qu'il poursuit son périple latino-américain. Il y rencontre notamment le président Salvador Allende, et le célèbre poète Pablo Neruda. Il rentre en France en 1973, au moment où le Chili, après le coup d'Etat du 11 septembre, tombe sous la coupe du général Pinochet. Proche politiquement de la gauche au pouvoir à partir de 1981, il se voit confier plusieurs missions d'importance par le président François Mitterrand : il est ainsi, de 1981 à 1985, chargé de mission auprès de la Présidence de la République pour les questions internationales, puis secrétaire général du Conseil du Pacifique Sud et conseiller d'Etat, nommé au tour extérieur, à partir de 1985. [...]
[...] Pour autant, malgré quelques exagérations et un rôle de contestataire que Debray se plaît sans doute à jouer, ses idées restent à mon sens assez bonnes et son jugement sur l'évolution du théâtre de la sphère publique des plus éclairé. A vrai dire, même sa nostalgie du modèle républicain, très IIIe République qui est omniprésent dans ses tribunes dans la presse, et qui se retrouve dans l'Obscénité démocratique, est très intéressante et même assez sympathique, en ce qu'elle renvoie à un âge d'or (qui comme tous les âges d'or est sans doute fictif) de la République, de la cohésion sociale et d'une certaine grandeur de la vie politique. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture