Sylvain Crépon, Docteur en sociologie et rattaché à l'université de Nanterre, a tenté, à partir d'une enquête minutieuse menée auprès d'une cinquantaine de jeunes frontistes, de définir les critères de l'adhésion à l'idéologie du FN chez les jeunes et de comprendre le succès de cette idéologie parmi cette tranche de la population.
Pour ce faire, il a choisi d'enquêter au sein de la structure jeune du parti du FN, appelée Front National de la Jeunesse (FNJ) et de s'intéresser aux discours de ses militants, afin de déterminer en quoi l'idéologie des jeunes militants du FNJ constituait un renouveau par rapport aux valeurs traditionnelles du FN. En effet, Le FN qui fut fondé par des partisans de l'Algérie française acquis au nationalisme expansionniste, est ensuite devenu un parti ultralibéral, pro américain jusqu'à l'effondrement de l'idéologie communiste, pour enfin s'affirmer aujourd'hui résolument opposé à toute tentative d'imposer un nouvel ordre mondial au détriment des nations, c'est-à-dire opposé aux Américains. Comment expliquer cette réorientation idéologique ?
Si, selon S. Crépon, le FN est, aux yeux de beaucoup, un parti jugé antidémocratique et xénophobe et donc indigne de figurer dans les institutions représentatives de la République, il a pourtant réussi à s'implanter solidement dans la vie politique française. Tout l'enjeu du livre consiste donc à comprendre cette contradiction du FN, et donc aussi du FNJ, qui reconnaît à la fois le parlementarisme et les valeurs républicaines, dans la mesure où il n'existe que grâce au fameux pluralisme politique, mais qui remet en cause, de par son idéologie, les principes mêmes de la République, tels que la Déclaration des Droits de l'Homme, l'égalité et l'universalité. Comment comprendre cette ambivalence et comment s'inscrit-elle au sein même du discours des jeunes militants ?
[...] Crépon vérifie autant que possible la véracité des discours des jeunes militants du FNJ et met à l'épreuve la validité de leurs représentations de la société en y opposant des données statistiques et scientifiques réelles. Cette vérification critique porte par exemple sur trois points[18]. Il estime d'abord que le nombre d'immigrés présents en France est largement surestimé par les militants car ceux-ci englobent dans le terme immigrés des citoyens nés français mais enfants d'immigrés, niant ainsi le principe même du droit du sol[19]. [...]
[...] Crépon appelle Le Même et identité différente, l'Autre s'appuyant sur des concepts clés[2]. Une des notions essentielles est celle de tradition en tant qu'héritage à préserver, symbole de l'enracinement dans la terre française. Cette notion exprime bien la phobie de l'altération de l'identité présente dans les discours des jeunes militants. La tradition selon eux doit servir à préserver l'identité de la nation de toutes les menaces extérieures, à savoir l'immigration ou les complots de l'étranger - et intérieures, à savoir entre autres l'individualisme forcené des sociétés modernes. [...]
[...] cit p 24 Weber Essais sur la théorie de la science, Paris, Plon Nouvelles ed. PressesPocket p 124 cité dans Crépon (Sylvain), op. cit p 106-107 Crépon (Sylvain), op. cit p 147-151 Perrineau (Pascal), Le symptôme de Le Pen, Paris, Fayard p 145, cité dans Crépon (Sylvain), op. cit p 147 Crépon (Sylvain), op. cit note 1 p 149 Crépon (Sylvain), op. cit note 1 p 88 Crépon (Sylvain), op. [...]
[...] Dans la mesure où ce parti est largement incarné dans la personnalité de son leader, inamovible et incarnant la continuité et la permanence de l'idéologie du FN, il aurait été intéressant de dépasser les réponses un peu convenues, et donc difficilement interprétables sur sa place au sein du FN, pour mesurer le degré de dévouement qu'éprouvent les militants pour cet homme et leur degré d'adhésion à ce qu'il représente aujourd'hui, puisqu'il entend plus ou moins représenter le parti à lui tout seul. Le fait est que les données dont disposait S. Crépon sur la scission du FN étaient trop minces pour qu'il puisse les exploiter. Il a donc du renoncer à toutes ces questions car son identité assumée d'enquêteur biaisait, la plupart du temps, le discours des militants du FNJ. On peut donc se demander si son souci d'honnêteté déontologique ne l'a pas parfois pénalisé. Le livre se termine sur un constat assez pessimiste. S. [...]
[...] Le principe républicain de l'intégration est remis en cause puisqu'il dépend de critères ethniques et non plus politiques. Dans les entretiens, on assiste à une réappropriation du vocabulaire démocratique tel qu'individualisme, égalitarisme ou universalisme, qui sont rendus incompatibles avec leurs valeurs républicaines initiales. Le FN prône ainsi l'égalité entre les différentes nations, mais tant qu'elles ne se mêlent pas à la nation du Même, et l'égalité des droits, mais seulement pour le Même. Le paradoxe est donc que le FNJ étoffe son discours anti-égalitariste grâce à des arguments empruntés à l'antiracisme et à l'égalitarisme, à savoir qu'il dénonce le racisme anti-français et l'inégalité engendrée par la préférence étrangère. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture