Cette fiche de lecture se veut une synthèse en français de l'ouvrage de Nina Eliasoph, professeur de Sociologie à l'Université de Southern California à Los Angeles (l'ouvrage n'a pas encore été traduit). L'auteur est une des pionnières du courant de l'analyse interactionniste de la politisation.
Le travail de Nina Eliasoph a pour objectif d'étudier la démocratie en pratique afin d'analyser la façon dont les citoyens créent concrètement la sphère publique. Le questionnement de départ (comment les Américains parlent-ils de politique dans certains contextes ?) évolue peu à peu au fur à mesure du déroulement de son enquête de terrain et finit par être transformé pour devenir : « comment les problèmes politiques affleurent-ils dans les conversations et finissent-ils par s' évaporer ? ». Autrement dit, comment les Américains évitent-ils de parler politique dans certains contextes et que font-ils à la place ? Au contraire, comment certains groupes arrivent-ils à briser cette spirale d'évaporation politique ? Quel rôle jouent les groupes et institutions environnantes dans ce processus (les citoyens semblant en effet s'intéresser à la politique dans certains contextes mais pas dans d'autres). L'enjeu est d'importance tant l'idée que la discussion publique constitue la substance de la vie politique démocratique est enracinée.
[...] Cette apathie peut recevoir plusieurs explications. D'une part, une interprétation centrée sur les individus montrerait que les individus n'ont pas les bonnes valeurs, ne sont pas assez intelligents etc. Le problème est que l'empirie démontre le contraire. D'autre part, des interprétations centrées sur les structures sociales conduiraient à parler d'inégalités sociales structurelles qui empêchent une égale participation des individus. Mais pourquoi alors les individus s'auto-censurent-ils quand bien même ils sont éloignés des instituons qui seraient à l'origine de l'oppression ? [...]
[...] Les hypothèses La sphère publique est quelque chose qui n'existe qu'entre des gens et existe dès lors que des gens ont des conversations orientées vers la sphère publique (approche interactionniste et microsociologique). Les pratiques civiques sont envisagées comme des processus de création par les citoyens d'un contexte propice à la discussion dans la sphère publique. Une conception étroite de l'intérêt privé comme moteur de l'activité politique des individus doit être rejetée : l'intérêt privé est travaillé dans la sphère publique (par les contextes et les interactions). La distinction goffmanienne backstage/frontstage doit être retournée[1]. [...]
[...] Les enquêtés n'arrivent pas à faire le lien avec un schéma sociologique global Des militants qui essaient de se frayer une place dans la sphère publique Dernier terrain de Nina Eliasoph : les militants. La sociologue montre comment ceux-ci doivent lutter contre leur propre tendance à considérer la discussion comme une perte de temps et non comme une source de pouvoir. Beaucoup de cette évaluation négative de la discussion vient des fonctionnaires du gouvernement et de la presse elle-même qui encouragent les activistes à parler comme les bénévoles (replis sur un discours privé). [...]
[...] Eliasoph en vient alors à construire une typologie de quatre croyances sur ce qu'il est bon de dire en tel ou tel endroit qui explique l'évaluation différenciée qui est faite par les citoyens de la parole publique et détermine des invitations à parler différentes : croyance dans l'importance de la participation des citoyens croyance en la malhonnêteté et le désintérêt du gouvernement et des corporations pour les citoyens croyance que pour améliorer la société il faut penser global, agir local croyance à propos du rôle de l'action locale pour résoudre des problèmes sociaux locaux comme la question des SDF. Le tableau ci- dessous adapté du dernier chapitre en fait la synthèse : GOFFMAN, Erving, La mise en scène de la vie quotidienne, Paris, Editions de Minuit, 1979. [...]
[...] Les étapes de l'enquête Quand les bénévoles tentent de donner un sens au monde Dans ce chapitre, Eliasoph montre comment les bénévoles d'associations tentent de réduire leurs préoccupations à des tâches qu'ils définissent comme apolitiques, et non connectées à un échelon plus vaste que le local. Ainsi, en groupe, les conversations des individus sont moins orientées vers le public que les conversations des individus pris individuellement : il faut être humble donc parler de soi seulement et éviter les problèmes politiques trop compliqués pour ne pas mettre dans l'inconfort quelqu'un qui ne connaîtrait pas. [...]
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