Nations et nationalismes, Ernest Gellner

Résumé du document

L'ouvrage Nations et nationalismes (1983, Payot, 1989) préfigure les débats sur le retour des nationalismes de l'après-guerre froide. Plus qu'une analyse ponctuelle, Gellner offre un système d'interprétation très élaboré visant à déterminer comment le nationalisme est devenu le principe clef de la légitimité politique et en quelle manière il s'inscrit dans la modernité. Dans un style limpide et concis, régulièrement ponctué de notes d'un humour très britannique, Gellner nous expose avec brio une des théories les plus innovantes du nationalisme. On pourra bien sûr le critiquer, parfois le rejeter, mais certainement pas l'ignorer

Extraits

[...] Gellner, Introduction à Sukumar Periwal (sous la dir. Notions of Nationalism, pp.3-6 Perry Anderson, A Zone of Engagement, Londres, Verso p.205 Ernest Gellner, Reply to Critics New Left Review, n°221, janvier- février 1997, pp.81-118 E. Gellner, op cit, p.173 E. Gellner, Nations et nationalismes, p.85 Brendan O'Leary, On the Nature of Nationalism : An Appraisal of Ernest Gellner's Writings on Nationalism”, in John A. Hall & Ian Jarvie, The Social Philosophy of Ernest Gellner, Poznan Studies, Amsterdam E. [...]

[...] Si l'on regarde les premiers nationalismes occidentaux aux Etats-Unis et en France, on ne peut s'empêcher de noter l'évolution démocratique qui accompagne ces mouvements. Enfin, une dernière observation me semblait mériter quelques commentaires : le mépris explicite avec lequel Gellner juge les doctrines nationalistes. L'auteur discrédite en effet sans scrupules les tenants des doctrines nationalistes en soutenant que en général, l'idéologie nationaliste est imprégnée de raisonnements erronés raison pour laquelle nous n'apprendrons pas grand chose sur le nationalisme par l'étude de ses prophètes Les auteurs nationalistes sont en conséquence soit vides de sens soit incohérents. [...]

[...] - Des nations avant le nationalisme ? En rejetant le paradigme ethnique, Gellner souligne la nature résolument moderne du nationalisme et son caractère fondamentalement rationnel. Comme nous l'avons vu, le nationalisme préexiste à la nation puisqu'il est le principe politique qui fonde la légitimité de celle-ci. Gellner reprend l'interprétation de Benedict Anderson en voyant dans la nation une simple communauté imaginée Si l'on peut contester, avec ces deux auteurs, la préexistence de la nation, il semble cependant qu'une conscience nationale se soit développée dans certains territoires avant l'industrialisation. [...]

[...] Cependant, beaucoup de ces nationalismes pourraient certainement être réglés grâce à des solutions politiques (dévolution, fédéralisme) ; on assisterait ainsi à un apaisement des conflits nationalistes au cœur de pays développés. Néanmoins, Gellner ne suppose pas ce type de solutions pour mettre fin aux querelles nationalistes. Selon lui, la pacification de la société ne peut s'accomplir qu'à travers une homogénéisation culturelle. - L'apolitisme gellnérien L'analyse gellnérienne du nationalisme se base sur des fondements essentiellement culturels et matérialistes et fait l'impasse des interprétations politiques. Ainsi, sa typologie des nationalismes ne donne qu'une idée vague des éléments qui peuvent freiner ou empêcher les séparatismes nationalistes. [...]

[...] Toutefois, il n'en reste pas moins que Gellner ne laisse pas de place à la créativité des politiques architecturales De plus son interprétation réduit les motivations politiques à des intérêts purement matériels et sous-estime le rôle des relations de puissance, qui explique souvent pourquoi telle culture est devenue une nation viable. Par ailleurs, si Gellner détermine avec pertinence le lien de causalité entre égalitarisme et nationalisme, il ne mentionne pas la dimension démocratique qui y semble pourtant fondamentalement liée. En effet, il paraît curieux de souligner la nécessité de conditions égalitaires à la naissance du nationalisme et de définir celui-ci comme le résultat d'un processus de modernisation, sans noter l'importance de la démocratisation des sociétés. [...]