Le nationalisme est un sujet qui a peu intéressé les sociologues classiques. Dans Economie et Société, Max Weber ne fait qu'une courte référence, tout comme Durkheim. Chez Marx, le nationalisme n'est considéré que comme une transition, une nécessité du capitalisme qui s'effacera avec l'avènement du prolétariat au pouvoir.
Il faut attendre les années quatre-vingt pour que se développent les théories du nationalisme. Il s'agit d'une période où le bloc communiste commence à bouger et où l'Union Européenne se construit. On doit les premiers travaux aux anglo-saxons Eric Hobsbawm, Benedict Anderson et Ernest Gellner. La thèse de ces auteurs est dite moderniste, dans le sens où elle s'oppose aux primordialistes, peu présents aujourd'hui et dont l'idée est que la nation n'est pas quelque chose qui se construit mais qui reflète des liens primordiaux comme la famille, l'ethnie ou l'appartenance religieuse. Chez eux, le nationalisme se trouve alors dans la nature humaine et il ne s'agit pas d'un politique d'invention d'une culture homogène mais la réactivation de liens primordiaux.
[...] La meilleure illustration de cet exemple est celle des Juifs. Le pouvoir a aujourd'hui intérêt à dispenser cette minorité du pouvoir car ils représentent une population riche et voyante. Deux solutions s'offrent à elle, soit l'assimilation soit essayer de se défaire de sa spécialisation et créer son Etat. Mais ces populations dispersées n'ont pas forcément de territoires. En résumé, dans le monde moderne, l'autorité politique s'est concentrée entre les mains d'un Etat, dépendant pour sa perpétuation d'un système éducatif centralisé qu'il contrôle et souvent dirige. [...]
[...] S'ajoute une crise de la nation en tant que formation sociale, symbolique. Ce déclin des nations se traduit par la perte de puissances des principaux médiums de la socialisation alors que nous assistons dans le même temps à une ouverture autocritique des peuples, une mise en commun du passé. Nous sommes dans une phase de nouvelle gestion des identités nationales, nous assistons à la dissolution de l'incarnation dans la nation et de la souveraineté politique représentée par l'Etat. Pour Norbert Elias[18], ce qui fait une société sont les relations d'interdépendances qu'on cherche à autonomiser à d'autres systèmes de nations. [...]
[...] Nous verrons que chez Gellner, il n'y a pas de nations sans nationalisme. Les nations sont alors des artefacts Ce sont selon Ernest Renan des groupes qui veulent persister en tant que communauté Mais cette définition est trop large pour Gellner. Dans ce cas en effet, n'importe quel groupe ou club basé sur le même principe d'adhésion volontaire se définirait en tant que nation. Il en va de même si la nation se définit en fonction des affinités culturelles, l'humanité est bien trop riche en différence dans ce domaine. [...]
[...] Le Préambule du Traité Constitutionnel prévoit la création de l'Europe unie dans sa diversité et énonce notamment que les peuples d'Europe, tout en restant fiers de leur identité et de leur histoire nationales, sont résolus à dépasser leurs anciennes divisions et unis d'une manière sans cesse plus étroite, à forger leur destin commun Il est pour cela nécessaire à la construction européenne de donner vie à une identité européenne pour ne pas freiner l'intégration et sans renier ni les souverainetés étatiques ni les différentes identités nationales présentes en Europe. Il va d'une formule post étatiste d'intégration politique transnationale que préparent les dispositions telles que la libre circulation des personnes, leur libre installation sur l'espace de l'Union. Cela s'inscrit dans une stratégie visant à favoriser entre les nations une ouverture réciproque des cultures politiques et des mémoires historiques. Il s'agit donc de dépasser le nationalisme grâce au patriotisme constitutionnel. [...]
[...] Gellner nie donc la diversité des cheminements étatiques historiquement repérables et oublie l'inégale maitrise que ces Etats possèdent sur leurs appareils scolaires nationaux Et en concentrant sa théorie par une vue d'en haut, en se basant sur l'Etat, le nationalisme vécu ne tient pas une place prépondérante dans son ouvrage[16] et n'est donc pas exhaustif, bien qu'il s'en défende en conclusion, rappelant alors qu'il a tenté, sous des formes variées, mais toujours simples de développer ses arguments et théoriser de manière la plus compréhensible, la plus épurée possible les concepts de nationalisme et de nations. Sans doute la grande confédération européenne, un jour, les remplacera Ernest Renan. Ernest Gellner, dans son chapitre consacré au futur du nationalisme, écrit que les hommes continueront d'être indépendants de la culture pour leur formation professionnelle, complexe et soutenue. [...]
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