«La reconnaissance n'est pas seulement une politesse que l'on fait aux gens : c'est un besoin humain vital ». Charles Taylor, philosophe enseignant à l'université McGill au Québec, livre dans son ouvrage Multiculturalisme – Différence et démocratie (Multiculturalism and « the Politics of Recognition », 1992), un plaidoyer multiculturaliste, dont les thèmes centraux sont la « politique de la différence » et la reconnaissance publique de la « diversité profonde ». Selon Taylor, le multiculturalisme est l'ensemble des modalités institutionnelles qui tendent à gérer la diversité culturelle. De ce fait, une société démocratique doit, par définition, traiter tous ces membres en égaux et être le cadre de l'épanouissement et de l'accomplissement de chaque identité et de chaque individualité. Or, elle doit aussi concourir à un dessein collectif, sans mettre en cause la dignité des individus. C'est cette difficulté rencontrée par les démocraties modernes que Charles Taylor étudie dans Multiculturalisme – Différence et démocratie. Ainsi, il questionne la reconnaissance des spécificités culturelles des individus. Dès le début de l'ouvrage, Taylor pose le postulat, selon lequel « l'identité est partiellement formée par la reconnaissance ou par son absence, ou encore par la mauvaise perception qu'en ont les autres ».
De cette façon, il attribue à la reconnaissance publique d'une spécificité un rôle majeur dans la construction et la formation des identités. Taylor amène également à se demander si une démocratie doit privilégier une culture (celle qui la fonde) ou s'accommoder de toutes. Il s'agit donc non seulement d'une reconnaissance publique, mais aussi d'une véritable politique de reconnaissance, puisque étant un instrument politique au service de la démocratie et agissant dans la vie des citoyens. En d'autres termes, il convient de se demander : comment la reconnaissance publique de spécificités culturelles, dans une démocratie, permet-elle aux individus d'exercer et d'épanouir librement leur identité ?
Nous verrons ainsi que la démocratie se pose comme le cadre de la reconnaissance des diversités culturelles et des identités (première partie) ; et ce à travers les politiques de reconnaissance des différences, tout en prenant garde à ne pas tomber dans des excès qui menaceraient dès lors cette philosophie de la tolérance (deuxième partie).
[...] En outre, les réflexions d'Emmanuel Kant sur le libéralisme servent également à Charles Taylor, ainsi que celles de Herder sur le je et le nous notamment. Différentes formes de libéralismes pour différentes formes de reconnaissances Charles Taylor, appuyé par Michael Walzer dans les commentaires de l'ouvrage, distingue deux libéralismes différents, amenant eux-mêmes deux politiques de la reconnaissance différentes. Le premier libéralisme (libéralisme considère que l'Etat doit être absolument neutre aux niveaux politique, culturel et religieux. Il doit seulement assurer la sécurité physique, le bien-être et la sûreté des citoyens. [...]
[...] Apparaît ici le danger de l'avalisation de desseins collectifs au nom d'un groupe national qui peut être discriminante : tous les citoyens n'appartiennent pas forcément au groupe national favorable. Cela impose une idée d'ouverture à toutes les autres cultures tout en abandonnant les valeurs morales et intellectuelles incompatibles avec les idéaux de liberté et de coopération. Michael Sandel met l'accent sur la révision juridique et l'ambiguïté de l'argument de la langue française. Pour les Québécois, le modèle libéral ne doit pas obéir au principe de neutralité. [...]
[...] Mais en outre, ils impliquent surtout que, désormais, la reconnaissance doit se mériter à travers l'échange. Cela signifie donc également qu'elle peut échouer. Selon Taylor, la sphère privée est le lieu de construction de l'identité, mais la sphère publique n'est pas dépourvue de responsabilités car c'est là que doit être menée la politique de reconnaissance égalitaire, qui est toujours selon lui nécessaire, voire essentielle à la démocratie. Il peut donc parfaitement y avoir dans une société démocratique un déni de reconnaissance qui pourrait mettre à mal la découverte et l'affirmation du moi. [...]
[...] La reconnaissance des différences comme politique et ses limites L'idée de Taylor est que la légitimité des institutions démocratiques dépend de leur capacité à reconnaître publiquement les différentes communautés culturelles. Ainsi, l'identité culturelle se retrouve placée au cœur de la vie démocratique, mais cette politique de reconnaissance comporte un certain nombre de limites, tant d'un point de vue théorique que pratique. L'identité culturelle au cœur de la vie démocratique L'obligation d'appartenance et le système de droits collectifs. Il est primordial pour un individu de se sentir reconnu et représenté, sans quoi il deviendrait étranger à lui-même. [...]
[...] Les réflexions philosophiques et politiques de Jean-Jacques Rousseau sont inhérentes à l'ensemble de l'ouvrage, car il y est question de la démocratie, de l'organisation d'une société démocratique et de ses enjeux fondamentaux. La problématique de la reconnaissance et de ce qui est souvent appelé aujourd'hui le vivre ensemble y est donc centrale. La dialectique du maître et de l'esclave avancée par Hegel est reprise par Taylor dans la partie expliquant le passage de l'honneur à la dignité et pour justifier également la nécessité de reconnaissance. [...]
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