En tant que philosophe politique, l'auteure part de l'idée selon laquelle, pour s'épanouir, tout humain doit pouvoir prétendre à vivre dans une société libérale, démocratique et pluraliste. Ceci n'est cependant pas une condition suffisante pour juger une société moralement admirable, il faut qu'elle fournisse en juste proportion du soin envers ses membres. La vision d'une bonne société comprend alors à la fois la justice et le care pour tous, basé sur l'idée qu'en tant qu'êtres humains, quel que soit notre genre, nous ne sommes jamais ni entièrement indépendants ni foncièrement autonomes.
Le care, ou plutôt une éthique du care comme préfère l'exprimer Joan Tronto, est ici considérée comme pratique sociale localisée dans contextes concrets, et pas seulement un ensemble de règles ou principes universaux. Mais le care a toujours une base morale et prend forme à travers la politique.
Elle remarque que dans les sociétés de l'Ouest nous avons métaphoriquement élevé des frontières entre la réalité de la morale et la politique, ce qui nous empêche de voir les sujets concernés pris dans une éthique du care.
Joan Tronto discute particulièrement trois catégories de barrières qu'elle appelle à repenser pour combler l'écart qui sépare les champs.
La première est la frontière entre moralité et politique, la seconde est ce qu'elle nomme « le point de vue moral », et la troisième la séparation du public et du privé. La question est à la fois comment ces frontières existent, pourquoi elles persistent, et quel est leur rôle/intérêt.
[...] Terminons ce compte rendu critique des idées de l'auteure par cette citation réflexive qu'elle écrit dans la préface à l'édition française, qui on le rappelle a été publiée quatorze ans après sa version originale, si le care, en tant que concept, nous aide à penser une transformation radicale du monde, il n'indique pas encore suffisamment clairement quelles sortes de changements nous souhaiterions entreprendre pour refaire un monde où il ait plus légitimement sa place[10] L'exercice du care demandant l'accomplissement de quatre moments moraux que sont l'attention, la responsabilité, la compétence et la capacité de réponse, on pourrait, avec un certain recul, comparer cette théorie aux modèles mathématiques dans lesquels les conditions de réalisation de tests sont souvent critiquées pour leur irréalisme. Op. Cit. Page 33. Introduction. Partie 1 : Les frontières morales et le changement politique. Op. Cit. Page 47. [...]
[...] En effet, la frontière entre le public et le privé est laissée intacte dans la version de l'éthique du care de Gilligan. Souci des autres et femmes sont relégués au royaume privé tandis que les enjeux politiques sont traités dans le champ public. Ainsi cette théorie revient à préserver la distribution inégale de la puissance et du privilège entre les genres, aussi bien que les frontières entre classes, appartenances ethniques, éducations. La propre position de Joan Tronto est qu'au lieu de parler d'une moralité genrée, il serait préférable d'étudier plus étroitement les frontières autour de la vie morale contemporaine pour voir comment celles-ci fonctionnent et préservent la position des plus puissants. [...]
[...] Pour une politique du Care, de Joan Tronto I. Note critique En tant que philosophe politique, l'auteure part de l'idée selon laquelle, pour s'épanouir, tout humain doit pouvoir prétendre à vivre dans une société libérale, démocratique et pluraliste. Ceci n'est cependant pas une condition suffisante pour juger une société moralement admirable, il faut qu'elle fournisse en juste proportion du soin envers ses membres. La vision d'une bonne société comprend alors à la fois la justice et le care pour tous, basés sur l'idée qu'en tant qu'êtres humains, quel que soit notre genre, nous ne sommes jamais ni entièrement indépendants ni foncièrement autonomes. [...]
[...] C'est une vue plutôt optimiste, mais pas forcément suffisamment convaincante. Elle place très bien les problématiques féministes dans un contexte politique, mais les intérêts et les relations de pouvoir qui contrecarrent un renouveau de la discussion politique, ne devraient pas être sous estimés. Rares sont les penseurs qui, comme Martin Heidegger, conçoivent le Sorge[8] le souci en allemand comme un concept philosophique central, ou qui comme Hannah Arendt, donne de l'importance aux éléments constitutifs de la condition humaine tels que la natalité ou la mortalité bien que cette dernière craigne toute implication du social dans le politique . [...]
[...] Les femmes ont été associées aux sentiments moraux voire paroissiaux qui les ont disqualifiées pour toute participation aux débats moraux, quelle qu'en soit l'époque. Enfin, la philosophe consacre une partie de son ouvrage aux stratégies politiques envisagées pour redessiner les frontières morales courantes et construire de nouvelles limites pour un débat politico-moral. L'argument le plus prégnant est que si l'on souhaite transformer le statut du care et de ceux qui le fournissent, nous devons comprendre le care comme un principe politique. [...]
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