Juriste, professeur à la Faculté de Droit de Bordeaux et premier directeur de l'IEP de Bordeaux de 1948 à 1957, Maurice Duverger est l'auteur de nombreux ouvrages de science politique et de droit constitutionnel dont certains sont aujourd'hui des classiques, à l'image des Partis politiques, paru en 1951 puis en 1964 dans sa cinquième édition, qui est la version étudiée. Il a directement contribué au processus d'autonomisation de la science politique et aux débuts de sa "deuxième institutionnalisation" selon l'expression de Pierre Favre, symbolisée par la fondation de l'Association Française de Science Politique en 1949, avec André Siegfried ou Raymond Aron. L'association se dote d'une revue en 1951, la Revue française de science, à laquelle il participe. Les partis politiques est un tableau général du phénomène partisan dans les années cinquante, analysant dans un premier temps la structure des partis puis le "système de partis", c'est-à-dire, en s'appuyant sur la définition que donne Daniel-Louis Seiler dans Les partis politiques, l'ensemble constitué des relations (opposition, coopération) entre les partis politiques d'une même société politique (...)
[...] Sa thèse se basait alors sur la classe ouvrière et leur obéissance croissante dans les partis socialistes. Duverger, en tentant d'imaginer la réaction de Michels face aux partis fascistes et communistes, développe selon lui les deux évolutions notables depuis le début du siècle. L'obéissance des foules s'est faite plus rigoureuse dans un cadre toujours strict, caractérisée par un phénomène nouveau : l'endoctrinement idéologique. Ce mouvement double résulterait de l'introduction du suffrage universel et donc l'entrée dans l'ère de masses et du besoin d'efficacité. [...]
[...] Comment le distingue-t-on d'un simple club politique par exemple ? Sont-ils autre chose que les enfants de la démocratie du suffrage universel comme l'écrit Max Weber dans Le savant et le politique ? La définition donnée par Joseph Lapalombara et Myron Weiner, tous deux professeurs de science politique, dans Political Parties and Political Development (1966) peut constituer une base. Selon eux, pour qu'un groupe puisse être considéré comme un parti politique, il doit former une organisation durable (pas seulement un rassemblement de fidèles d'un leader charismatique), complète (dotée d'une structure qui couvre l'ensemble du territoire) ayant pour objectif la conquête du pouvoir et la recherche du soutien populaire (ce qui le différencie d'un club politique). [...]
[...] Duverger se montre entièrement d'accord avec l'analyse de Michels (p.161). Il la précise d'un point de vue technique : les scrutins de liste, collectifs et partisans, renforceraient l'oligarchie tandis que les scrutins individualistes l'atténueraient. La nature oligarchique est aussi due à l'organisation du parti selon son degré de décentralisation ou de centralisation. Dans les partis centralisés, le sommet peut imposer de nouveaux venus et ainsi assurer la circulation des élites. Ce sont les seuls qui peuvent se renouveler profondément. Il prend ainsi l'exemple de l'échec du renouvellement de la SFIO après la Libération, empêché autant par les cadres locaux que les militants, et qui a abouti à sa déliquescence. [...]
[...] Par son ambition (réunir toutes les connaissances sur les partis politiques des années 1950) et sa profondeur (imposition d'un paradigme), Les partis politiques a su créer un fort débat dans une communauté encore naissante et la stimuler. Duverger a permis d'impulser une dynamique d'autonomisation et de spécialisation de la science politique. Ainsi, que ce soit par les questions qu'il pose ou les réponses qu'il apporte, ce livre reste toujours d'actualité malgré certes plus de rides que l'auteur ne veuille en convenir. [...]
[...] Chacun peut estimer telle opposition plus importante que telle autre. S'il n'en retient que trois pour la situation politique française (fig p.262), il en évoque six pour dresser un tableau général de cette absence de superposition : opposition politique, sociale, économique, religieuse, ethnique ou nationale et diplomatique. En France sur ces six, seules cinq ont existé et trois peuvent être considérées comme permanentes : politique d'abord, que l'on retrouve aujourd'hui entre partisans de la Vème République et ceux d'une VIe République même si le débat institutionnel s'est apaisé, économique entre dirigistes et libéraux, et religieuse entre cléricaux et laïcs. [...]
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