Rares sont les ouvrages présentant, avec autant d'exhaustivité, un panorama de la politique étrangère de la France sous la Ve République. Marie-Christine Kessler, directeur de recherche au CNRS, s'est spécialisée dans l'analyse des élites administratives et des grands corps de l'Etat. Elle a notamment été mise à la disposition du ministère des Affaires étrangères pendant cinq ans. Son ouvrage est profondément marqué par un parcours professionnel au cœur des problématiques étatiques : elle s'est en effet attachée à démontrer les rouages de la politique étrangère de la France à travers une analyse des politiques publiques, en s'intéressant davantage aux programmes d'action et aux acteurs qu'aux différents flux internationaux.
Ainsi La Politique étrangère de la France n'est ni un essai ni un travail polémique. Ce livre, publié en 1999 à Paris par les Presses de Sciences Po, est avant tout d'un ouvrage de nature académique : Marie-Christine Kessler reste dans la démonstration, parfois dans la description, afin de mettre en évidence la complexité des mécanismes de la politique étrangère. Sans doute tire-t-elle de ce parti pris une grande force : en cherchant à répondre à la question « qui gouverne ? » elle refuse de tomber dans les dérives, parfois trop faciles, de la polémique sur les faiblesses et dérapages de la politique étrangère de la France.
Ce livre se veut être une référence sur le sujet en termes d'analyse politique, tant pour les étudiants que pour les spécialistes. Son auteur a voulu étudier la politique étrangère de la France de manière formelle et objective, en s'appuyant sur l'histoire comme sur des observations contemporaines.
Une étude des trois derniers chapitres, respectivement consacrés à la politique de coopération au développement, à la diplomatie culturelle et francophonie ainsi qu'à la question des diplomaties parallèles permettront une focalisation particulière sur des problématiques souvent jugées marginales. Il s'agit de voir en quoi ces secteurs spécifiques sont représentatifs de la politique étrangère globale de la France. De même, une analyse de l'ouvrage de Marie-Christine Kessler à la lumière de la politique étrangère contemporaine permettra de voir dans quelle mesure les évolutions et changements qu'elle évoquait à la fin du siècle dernier restent pertinents aujourd'hui.
Pour une plus grande clarté, il semble préférable de suivre de suivre le découpage sectoriel choisi par Marie-Christine Kessler : chaque division de la politique extérieure de la France a sa propre logique. Pour plus de lisibilité, chaque mécanisme sera tour à tour analysé, afin d'en mesurer par la suite les similitudes ou les divergences.
[...] L'ouvrage de Marie-Christine Kessler sur La politique étrangère de la France est véritablement original dans sa démarche et riche dans son enseignement. Sa volonté d'amorcer sa démonstration à travers les acteurs et le découpage sectoriel des différentes politiques implique une focalisation sur le rôle de l'Etat. Ce choix se révèle passionnant : il permet d'avoir une vision depuis la base, afin de remonter à la source des différents mécanismes de décisions pour en saisir les enjeux. L'imbroglio des processus donne parfois le vertige ; la machine administrative semble tellement lourde qu'il relève presque du miracle de constater que ces politiques fonctionnent. [...]
[...] Au fil des pages Marie-Christine Kessler expose les dérives de cette idéologie qui, bien évidemment, partait de bons sentiments. Là encore, il est étonnant de lire l'actualité à la lumière de l'histoire. Comment comprendre l'affaire de l'Arche de Zoé sans penser à cette longue lutte des humanitaires pour le droit d'ingérence ? Malheureusement cette doctrine connaît des limites ; le principe de non- intervention dans les affaires intérieures des Etats, présent dans la charte de Nations Unies, résume cette problématique. [...]
[...] Diplomatie culturelle et francophonie Une logique assez similaire à celle animant la politique de coopération au développement se révèle à l'étude de la diplomatie culturelle et de la francophonie. Cette dernière est en effet intrinsèquement liée à la coopération, puisque les mêmes enjeux et logiques sous-tendent les deux politiques. Plusieurs éléments doivent être soulevés, d'abord par rapport à la politique culturelle traditionnelle, ensuite par rapport à la question de la francophonie. Le premier point essentiel est, une fois de plus, la place prépondérante de l'Etat français. Marie-Christine Kessler en souligne le rôle absolument central, à tel point qu'un certain nombre de questions méritent d'être posées. [...]
[...] Ainsi la question du bien-fondé des ONG et de l'humanitaire ne cesse d'être remis en cause. Si tous s'accordent à dire que ces interventions ont en effet permis de sauver des vies, il est aujourd'hui avéré que l'ingérence humanitaire peut avoir des conséquences bien plus néfastes sur les régions concernées. Une concurrence certaine persiste entre l'humanitaire d'Etat, dont l'engagement est sans cesse plus faible, et les ONG, qui se targuent d'avoir un impact plus direct sur le terrain. Par la suite Marie-Christine Kessler évoque rapidement la question de la coopération décentralisée, tendance en pleine expansion. [...]
[...] Marie-Christine Kessler se montre finalement très critique à l'égard de la francophonie, cette alternative entre Ayatollahs et Coca-Cola selon un article de Jean-Pierre Péroncel-Hugoz paru en mars 1995 dans Le Monde. Elle ne se livre pourtant pas à des attaques gratuites, justifiant par des faits chacun de ses arguments. Les méandres de la francophonie ou les paralysies de l'action culturelle sont présentés dans l'optique de mettre en évidence la lourdeur d'un appareil administratif démesuré et centralisé à l'extrême, qui ne répond peut-être pas aux demandes spécifiques d'une politique culturelle internationale. [...]
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