Cet ouvrage débute sur un constat simple mais indubitable : toutes les politiques menées au nom d'un respect égal pour tous les citoyens ont en grande partie échoué, essentiellement parce qu'elles n'avaient pas cerné le caractère définitif du pluralisme des valeurs dans nos sociétés multiculturelles. En effet, aucune homogénéisation ou même réconciliation n'est envisageable au sein de la diversité des valeurs.
Comment, dès lors, associer reconnaissance des différences et exigence de justice ?
[...] Les tumultes, soit l'opposition des grands et du peuple seraient donc, selon Lefort, la cause de la liberté et, les vertus romaines proviendraient de la désunion des citoyens. La lecture de Lefort, comme le note Renaut, est déterminée par le contexte politique de la lutte antitotalitaire. L'importance que Machiavel accorde à la division originaire du social constitue donc un argument fort contre la façon dont les Etats totalitaires procédaient à l'homogénéisation forcée de la société. Ainsi, l'insistance sur la division sociale, à la source de la métaphore smithienne de la main invisible ou encore de la Fable des abeilles de Mandeville, qui supputent que la poursuite par chacun de ses propres intérêts favorise le bien commun, nous donne à penser que Machiavel s'inscrirait dans ce que l'on pourrait appeler le courrant libéral-pluraliste, dont Montesquieu est la figure majeure selon Audier. [...]
[...] Le conflit entre la liberté, entendue comme valeur sacrée et intouchable, et sa limitation au profit d'autres fins ne peut résulter que d'un compromis, faute de raisons généralisables en maximes universelles pour la trancher. La liberté ne peut donc, comme le croyait Mill, être considérée comme une condition nécessaire à l'épanouissement de l'homme. Elle n'est d'ailleurs pas incompatible avec l'absence de démocratie. On peut, en effet, tout à fait concevoir qu'un despote libéral accorde à ses sujets une grande liberté individuelle, tout en encourageant les inégalités et en négligeant le souci de reconnaissance. [...]
[...] La tolérance ne saurait donc être une vertu molle. Bien au contraire, il faut insister sur l'affrontement des raisons, qui est au cœur de la tolérance et, tout particulièrement, sur les termes dans lesquels ce conflit doit être compris. Intuitivement, il est cohérent de penser que l'attitude tolérante résulte d'un bilan des raisons à l'issue duquel le sujet décide de s'abstenir d'interdire. Cependant, comment rendre compte des choix sans présupposer une différence qualitative des raisons en conflit, en l'occurrence une hiérarchisation résultant de la délibération ? [...]
[...] _Réconcilier les deux logiques : La stratégie de Nancy Fraser consiste à renoncer à renoncer à ce qu'elle nomme approches affirmatives et à recourir aux approches transformatives Cela signifie qu'il faut, sur le plan de la reconnaissance, remplacer la politique d'identité par une politique visant à désinstitutionnaliser les hiérarchies injustes et, sur le plan de la redistribution, de remplacer l'économie néolibérale par la démocratie sociale. Fraser reconnaît le bien-fondé des critiques libérales à la politique d'identité traditionnelle. Cette dernière, afin de combattre les représentations négatives des minorités, renforce les différences identitaires. [...]
[...] Ainsi, le citoyen intégré se sentira affecté par les actes politiques formels accomplis au nom de sa communauté. C'est ce qu'illustre l'exemple de l'orchestre chez Rawls. Les institutions politiques ne doivent absolument pas avoir pour but de nous rendre vertueux, trahissant par là même leur neutralité mais, au contraire, de permettre l'expression d'un véritable intérêt politique commun, au-delà des désaccords politiques. La théorie de l'intégration ainsi conçue renouvelle l'idée fondamentale de bien public, impliquant que la légitimité de l'Etat libéral est liée à la reconnaissance de valeurs partagées et intériorisées par les citoyens dans une culture politique. [...]
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