Du jour même où le journal est apparu, l'éditeur et le journaliste ont été placés devant leur responsabilité et leur devoir professionnels. Pouvaient-ils tout dire n'importe comment ? Même Théophraste Renaudot, fondateur du premier périodique, pourtant agent du pouvoir, promet d'être fidèle à la vérité des faits. Denis Diderot, se comportant lui-même en journaliste sans que le métier existe vraiment, rédige dans l'encyclopédie un premier code de bonne conduite. Pour Balzac, le journal devrait être un « sacerdoce » dans les Illusions perdues. Ainsi, la nécessité d'une déontologie de l'information a toujours été une revendication. Ici, Bourdieu dont la pensée a exercé une influence importante dans le champ intellectuel et en particulier la sociologie d'après guerre se pose en analyste du champ journalistique pour réclamer la réalisation des conditions de possibilité d'une vertu du journaliste. Bien que son œuvre sociologique soit dominée par la réflexion sur les rapports entre classe sociale, il analyse également les médias au travers notamment d'un essai sur la télévision et ici dans le colloque fondateur du centre de recherche de l'Ecole supérieure de Journalisme.
L'éthique et la déontologie ne peuvent pas, pour Bourdieu, être des attitudes de façade élaborées de manière à faire bonne figure et à fournir un discours d'auto-justification. Le rôle du sociologue, au-delà du refus de la critique par la profession, est donc d'identifier ces discours que la profession tient à propos d'elle-même, de les objectiver et de les démystifier. Il est donc primordial, de comprendre le contexte dans lequel ces discours sont élaborés et de comprendre que les revendications morales et éthiques dont se prétend le journalisme qui est un service public pour Bourdieu ne peuvent se réaliser si et seulement si les conditions de possibilité sont réunies. Il est donc nécessaire de réfléchir aux conditions qui pousseront les journalistes à la vertu davantage qu'à la satisfaction de la loi de l'audience.
[...] Il est donc primordial, de comprendre le contexte dans lequel ces discours sont élaborés et de comprendre que les revendications morales et éthiques dont se prétend le journalisme qui est un service public pour Bourdieu ne peuvent se réaliser si et seulement si les conditions de possibilité sont réunies. Il est donc nécessaire de réfléchir aux conditions qui pousseront les journalistes à la vertu plus qu'à la satisfaction de la loi de l'audience. Le champ journalistique étant un champ très spécifique, aux règles et aux contraintes particulières, les conditions de production de l'information en sont caractéristiques. Or le principe du travail journalistique comme le principe scientifique est d'être le premier à produire l'information. [...]
[...] Journalisme et éthique, Pierre BOURDIEU Du jour même où le journal est apparu, l'éditeur et le journaliste ont été placés devant leur responsabilité et leur devoir professionnels. Pouvaient-ils tout dire n'importe comment ? Même Théophraste Renaudot, fondateur du premier périodique, pourtant agent du pouvoir, promet d'être fidèle à la vérité des faits. Denis Diderot, se comportant lui-même en journaliste sans que le métier existe vraiment, rédige dans l'encyclopédie un premier code de bonne conduite. Pour Balzac, le journal devrait être un sacerdoce dans les Illusions perdues. [...]
[...] En effet, l'audience du journaliste est sa raison d'exister. Le journaliste n'écrit ni pour lui-même ni pour ses confrères, il écrit pour un public. Il ne s'agit pas d'une soumission à l'audience, mais il est essentiel qu'il existe une sorte d'adaptation. De la même manière qu'un orateur aura tendance à s'exprimer différemment selon l'auditoire qu'il a en face de lui, un journaliste doit d'abord connaître son audience et s'y adapter. Par nature, comme le dit Bourdieu, les médias sont doubles, à la fois entreprise commerciales ou industrielles et vecteurs d'un bien immatériel, culturel et social. [...]
[...] Ainsi le public qui est à raison même d'exister des journalistes, serait à l'origine de la prise de conscience des nécessités d'une vertu et d'une déontologie journalistique. Enfin, une certaine déontologie existe déjà dans le milieu journalistique ne serait que par la carte de presse qui constitue une réelle barrière à l'entrée du champ journalistique. N'est pas journaliste qui veut. Certes, il n'est pas nécessaire d'être détenteur de la carte de presse pour écrire des articles, mais s'exerce sur tout nouvel entrant une sorte de pression bénéfique qui le pousse à se conduire suivant la norme du champ, du moins de l'entreprise qu'il a intégrée. [...]
[...] D'une part, parler du champ journalistique ne paraît pas approprié du fait même de cette contrainte extérieure dont le journaliste est dépendant. L'objet du journaliste n'est pas interne au champ journalistique. Contrairement au scientifique qui élabore des théories sur des objets scientifiques, le journaliste décrit et analyse le plus souvent des objets qui sont à l'extérieur du champ journalistique (économie, sport ou politique par exemple). D'autre part, il est impossible d'opposer l'audimat et la vertu dont le journalisme devrait se prétendre. [...]
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