L'Europe subit depuis plus de cinq décennies un tournant politique majeur et sans précédent dans l'histoire des Etats : l'Union Européenne. Amorcée dès la fin de la Seconde Guerre mondiale afin de stabiliser la rivalité des Etats et d'assurer la pérennité de la paix, la construction de l'Union est un processus original et inégalé dans le monde, grâce auquel les Etats européens lèguent volontairement une partie de leurs pouvoirs et de leur autorité – exécutifs, législatifs, politiques monétaires – à des institutions supranationales, celles de l'Union Européenne. Néanmoins cette intégration progressive à une instance supérieure aux Etats ne s'opère pas sans poser de nombreux problèmes à la fois politiques, juridiques et philosophiques. La lecture d'une partie de l'ouvrage de Jean-Marc Ferry permet d'élucider la particularité du processus d'intégration des pays à l'Union : l'intégration sur le modèle cosmopolitique de la philosophie du droit inspiré par Kant.
[...] La voie vers le cosmopolitisme est ainsi approfondie au sein de la construction européenne. Surpassant les a priori de l'Etat-nation, l'Union donne plus d'envergure au droit cosmopolitique au sein de ses frontières, et fait partager à un ensemble plurinational (plurinational car le contexte politique se fonde encore sur la base de l'Etat-nation, l'Union Européenne ne fait que se rapprocher du paradigme post national en s'éloignant peu à peu du modèle de l'Etat-nation) un complexe de droits fondamentaux identiques. J. M. [...]
[...] Alors que l'on évoque avec ferveur un patrimoine civilisationnel et spirituel de l'Europe fondé sur l'identité nationale et sur une histoire partagée, le discours officiel établit et étudie les candidatures des Etats sur la base du respect des énoncés universalistes, véritable sésame de l'intégration. Ce dernier point de vue concernant les limites de l'Europe face au monde constitue un enjeu géopolitique majeur. Bien loin des philosophies prônant le cosmopolitisme, la donnée actuelle de la mondialisation pèse lourd sur le cœur des autorités européennes. La Turquie reste avant tout le carrefour historique entre terres d'Orient et d'Occident. [...]
[...] C'est cela qui représente le plus grand défi de l'Union Européenne qui doit trouver un équilibre entre culture démocratie, fondement juridique du droit cosmopolitique, pluriculturalisme continental et identité post nationale. Toutefois il est difficile d'atteindre une réalité institutionnelle concrète qui pourrait appliquer les principes théoriques européanistes que développe J. M. Ferry ; les propositions anglo-saxonnes, plus conservatrices et attachées à l'immuabilité de l'Etat-nation, ont de ce fait leur intérêt pragmatique de poser le système de l'Union Européenne sur la base de l'Etat-nation face à l'impossibilité apparente de le faire évoluer vers un horizon post national qui semblent n'être qu'une utopie de l'autre côté de l'Atlantique . [...]
[...] Le droit cosmopolitique constitue le troisième niveau du droit, au-dessus des jus civitatis (le droit civique interne) et le jus gentium (le droit des gens correspondant au droit international). Le droit cosmopolitique ou transnational doit néanmoins prendre appui sur les niveaux inférieurs afin d'exister. Cependant Kant se fonde sur la conception classique du droit des gens, c'est-à-dire celui qui régit les rapports entre les Etats. Kant refuse l'idée d'un Etat global unitaire, celui où tout Etat est soumis à une autorité supérieure, et se justifie par l'incapacité de l'époque à considérer une identité post souverainiste, apte à déléguer du pouvoir hors de ses frontières. [...]
[...] Il apparaît antidémocratique pour le philosophe américain de donner un pouvoir électoral direct aux institutions européens. Pour lui le concept libéral de la démocratie repose plus sur le contrôle de l'exécutif par le vote citoyen que sur le suffrage direct. En effet, il est plus rationnel, sur le plan de la ferveur démocratique, de donner aux électeurs le pouvoir de faire valoir les intérêts nationaux dans les institutions supranationales que de faire valoir une opinion politique au parlement transnational. Cependant cette tournure perpétuant l'Etat-nation est inférieure, malgré son aspect rationnel et pragmatique, à la volonté des idées européanistes de faire exister un espace public européenne grâce à une vraie vie politique et de constituer ainsi un système de redistribution parallèle aux spécifications des Etats c'est en cela que le rôle des territorialités de moindre taille telles que les régions regagnent leur importance dans le contexte de l'Union Européenne. [...]
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