« La souveraineté est au prince ce que la lumière est au soleil ». On saisit, tout à fait, par cette sentence des XVIème et XVIIème siècles, combien la conception ainsi que la réalité de l'exercice du pouvoir royal différaient, à cette époque, de ce qu'elles avaient pu être durant les périodes précédentes. En effet, après avoir été réduit au simple rang de seigneur de son domaine durant la féodalité (IXème-XIIIème), le pouvoir royal avait entrepris pendant les siècles suivants (XIIIème – XVIème) une véritable reconquête de ses prérogatives de puissance publique. Se plaçant tout d'abord sur la base de la structure féodale en s'imposant en tant que suzerain, c'est-à-dire « le seigneur des seigneurs » sous les règnes de Philippe Auguste (1180-1223) ou de Saint Louis(1226-1270), il se pose suite au règne de Philippe IV le Bel (1285-1314) et à la sortie de la guerre de cent ans (1337-1453) en souverain qui détient, en tant que princeps, un pouvoir suprême, à l'image de l'Imperium romain, comme le montre la sentence du XIV éme siècle « le roi empereur en son royaume ». Aux XVIème et XVIIème siècles, dans un contexte de renaissance marqué par l'affirmation des conceptions humanistes, mais aussi par les guerres de religions (1561-1598) dont la guerre civile, des théoriciens tel que Jean Bodin, Charles Loyseau, Guy Coquille, ou encore Cardin Lebret vont ressentir le besoin de théoriser, de conceptualiser, l'évolution empirique des institutions pour mieux saisir la nouvelle forme de relations qui s'établissent entre les sujets et le Roi ce que l'on qualifie d'Absolutisme, mais aussi pour défendre la monarchie face aux attaques qu'elle subit.
Il importe, en effet, de préciser que, dans ce contexte de guerres de religion où le « pays » est divisé par des affrontements internes entre la ligue, le groupe catholique qui s'oppose à la monarchie absolue, et les Huguenots, qui ont pour ambition de créer un Etat protestant à côté de l'Etat catholique, l'affirmation de ce progrès de la notion d'Etat qu'est l'absolutisme apparaît, ainsi que le montre Jean Louis Harouel, comme un véritable « contre-feu idéologique ». Il s'agit bien, en effet, d'une sorte de contre attaque menée par les penseurs cités auparavant qui sont, quant à eux, favorables au maintien d'un pouvoir royal fort, stable et respecté, un pouvoir royal absolu qui garantisse, tout au moins qui rende probable, une paix longuement espérée. Ils s'opposent ainsi directement à ceux qui prônent une monarchie limitée et encadrée, à l'image des théories du « pragmatisme philosophique » ou de celle des monarchomaques (protestants ou catholiques) d'ailleurs à l'origine des régicides de 1589 (Henri III) et de 1610 (Henri IV) qui exposent une « théorie des contrats » selon laquelle le monarque détiendrait son pouvoir d'un consentement populaire qui le lierait à ses sujets ainsi que le prétend l'avocat et l'écrivain français François Hotman.
Aux prémices de cette « contre-attaque » il est important de souligner le rôle primordial joué par celui qui peut être considéré comme étant à l'origine du concept moderne de souveraineté et plus généralement de la pensée moderne de l'Etat, Jean Bodin.
C'est en effet dans le contexte et l'optique présentés que ce jésuite, philosophe, homme politique mais aussi économiste français de la seconde moitié du XVIème siècle (1530-1596)
Qui a été député du tiers état (pour le Vermandois) aux états généraux de 1576 à Blois, a étudié la structure fondamentale de nombreux Etats et ses évolutions dans son premier ouvrage intitulé « la méthode de l'histoire » en 1566 puis a cherché, dans un second, à conceptualiser les appréciations qu'il avait pu faire. C'est ainsi que dans sa seconde œuvre intitulée « Les six livres de la république » publiée en 1576 et dont un extrait nous est présenté, que l'auteur en plaçant la souveraineté comme « l'épicentre » de sa théorie du pouvoir politique, va cherché à en définir les caractères fondamentaux, à en préciser les modes d'expression mais aussi à en relever les limites.
L'extrait présenté étant l'un des passages clé de l'œuvre, durant laquelle l'auteur expose cette conceptualisation de la souveraineté, on comprend, dès lors, tout l'intérêt qu'on peut avoir à l'étudier afin de tenter de comprendre qu'elle a été dans ce contexte de crise, peu d'années après le terrible massacre de la saint Barthélemy (24 août 1572), l'apport de Jean Bodin à la théorie absolutiste et donc plus précisément d'apprécier les détails de son concept moderne de Souveraineté.
L'auteur, pour exposer son propos, fonde son argumentation, dans l'extrait présenté, autour de deux points principaux, à savoir dans un premier temps d'étudier ce que sont pour lui, les caractères de la souveraineté (I) puis, dans un second, d'en exposer ses « marques », c'est-à-dire ses formes d'expression, mais aussi ses limites (II).
[...] Jean Bodin, Les six livres de la République, livre 1 chapitres 9 à 11 La souveraineté est au prince ce que la lumière est au soleil On saisit, tout à fait, par cette sentence des XVIème et XVIIème siècles, combien la conception ainsi que la réalité de l'exercice du pouvoir royal différaient, à cette époque, de ce qu'elles avaient pu être durant les périodes précédentes. En effet, après avoir été réduit au simple rang de seigneur de son domaine durant la féodalité (IXème-XIIIème), le pouvoir royal avait entrepris pendant les siècles suivants (XIIIème XVIème) une véritable reconquête de ses prérogatives de puissance publique. [...]
[...] La perpétuité nécessaire à toute puissance souveraine : En affirmant, dès le début de l'extrait étudié, que la souveraineté est la puissance ( . )perpétuelle d'une République l'auteur apporte une vision moderne de l'Etat qui souligne à la fois la continuité, mais aussi le caractère impersonnel de la puissance politique. Ainsi, Bodin en considérant la souveraineté comme l'attribut fondamental de l'Etat, souligne le fait qu'elle ne doit jamais disparaître, car il considère que si la souveraineté disparaît c'est l'Etat qui disparaît. [...]
[...] L'auteur, pour exposer son propos, fonde son argumentation, dans l'extrait présenté, autour de deux points principaux, à savoir dans un premier temps d'étudier ce que sont pour lui, les caractères de la souveraineté puis, dans un second, d'en exposer ses marques c'est-à-dire ses formes d'expression, mais aussi ses limites (II). La présentation, par Jean Bodin, des caractères de la souveraineté L'auteur présente, dès le début de l'extrait étudié, les deux caractères fondamentaux de la souveraineté, à savoir qu'elle est absolue et perpétuelle puis fait découler, tout le long de son propos, deux corollaires à ces caractères fondamentaux qui sont l'indivisibilité et l'unité du pouvoir souverain Une souveraineté absolue et perpétuelle : les deux fondements de la théorie de Bodin L'auteur présente, en effet, dès le début de l'extrait étudié, les caractères absolu et perpétuel de la souveraineté comme les deux critères fondamentaux du pouvoir souverain. [...]
[...] L'auteur nous dit ainsi, que le souverain a la puissance de donner la loi à chacun en particulier c'est-à-dire la possibilité de conférer des privilèges (au sens de privitae legis, c'est-à-dire lois privées) ou encore le pouvoir d'octroyer grâces c'est-à-dire de dispenser un sujet des conséquences d'une loi. De ce pouvoir législatif découle, selon Bodin, tout un ensemble de prérogatives essentielles que détient celui qui exerce un tel pouvoir souverain. Les autres prérogatives du souverain selon l'auteur : De ce pouvoir législatif, l'auteur fait découler tout un ensemble de prérogatives qui forment un tout que l'on nomme pouvoir régalien, et qui, selon Jean Bodin, sont bien compris dans ce pouvoir législatif. [...]
[...] Le prince souverain apparaît donc comme la source de la loi et c'est ainsi ce qui lui semble bon et ce qui émane de sa pure et franche volonté qui a force de loi, à l'image du principe romain d'Ulpien Quo principi placuit legis habet vigorem (ce que veut le Roi a force de loi). On remarque, ainsi, que la vision du Roi législateur, présentée par Bodin, diffère de celle du Roi justicier des périodes précédentes, dont Louis IX incarne l'exemple par excellence. [...]
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