L'ouvrage de Jacques Rancière, paru en 2005, a pour but de souligner l'étrange obsession de l'intelligentsia française, qui semble vouloir démontrer la ruine de notre système, et ce, du fait justement de la démocratie. L'auteur montre bien le paradoxe que l'on peut remarquer entre ces critiques virulentes, dénonçant la démocratie comme cause de tous nos maux, et les nombreuses interventions armées qui ont pour but justement d'instaurer cette même démocratie.
Ainsi, la démocratie n'est plus pour nos intellectuels le meilleur des régimes, par opposition aux régimes totalitaires, mais au contraire une sorte de nouveau totalitarisme, qui mènera l'humanité à sa perte. En outre, il faut remarquer que la principale cible des critiques n'est pas le fonctionnement institutionnel de la démocratie, mais au contraire ceux qui la constituent, le peuple. Jacques Rancière annonce dans son introduction ses objectifs : il veut analyser cette nouvelle « forme d'idéologie contemporaine », en en montrant les étapes de la formation et en cherchant à en dégager les enjeux, car elle nous renseigne d'après lui sur « l'état de notre monde et ce qu'on y entend par politique ».
[...] Or, ce comportement de consommateur coïncide apparemment parfaitement avec le système démocratique, dans lequel la multitude de partis et les élections permettent au citoyen de choisir sans cesse, comme dans un supermarché. Ainsi, contrairement à la démocratie des Anciens, qui devait être la recherche du bien commun et du vivre ensemble, la démocratie moderne n'est plus qu'une somme de variations de plaisirs individuels, complètement oublieux des intérêts de la société. C'est ainsi que s'est accomplie pour Jacques Rancière la première étape du glissement vers une haine de la démocratie, la réduisant à un état de société empiétant sur le politique. [...]
[...] Il est vrai que nous avons été habitués à entendre ces critiques, elles font aujourd'hui partie du paysage politique français, ainsi que de sa production écrite. Mais J. Rancière construit, page après page, une autre définition de ce qu'est la démocratie, qui prouve que ce n'est pas tant la démocratie moderne que critiquent ces intellectuels, mais plutôt ses fondements même, ses principes. De même, il montre qu'ils réussissent à dissimuler cette crainte de la démocratie sous une critique de l'individualisme, alors que cette critique ne saurait, d'après Rancière, être justifiée. [...]
[...] Ces Etats démocratiques ont cru trouver la solution en détournant le citoyen de la vie politique, et en le menant vers la prospérité matérielle et les bonheurs privés Mais cette solution mène les citoyens à demander toujours plus aux Etats, car leurs désirs et leurs besoins croissent sans cesse. En outre, les intellectuels, tels Jean Claude Milner, dénoncent le déni de la logique de filiation qui domine dans la société moderne, à l'heure du mariage homosexuel, de l'insémination artificielle et de la manipulation génétique. Jacques Rancière montre que ce raisonnement dévoile bien le glissement effectué dans l'opposition démocratie/totalitarisme. [...]
[...] Le politique, c'est ce qui dépasse les relations du corps social. En outre, dans ce gouvernement fondé sur des gouvernants qui n'ont pas de titre à gouverner, l'égalité dénoncée par les détracteurs de la démocratie moderne, se doit d'être en effet une réalité. C'est l'égalité qui doit être à l'origine de l'établissement de l'inégalité du commandement. La légitimité du pouvoir ne peut se fonder que sur la reconnaissance par l'autre du fait que je gouverne ; l'inégalité entre toi et moi ne peut exister que si tu acceptes ma supériorité. [...]
[...] Ainsi, la république est un régime de parfaite homogénéité du privé et du public, du social et du politique. Dans ce livre, Jacques Rancière s'attaque violemment à l'intelligentsia qui critique, depuis quelques années, la démocratie moderne. Il fait remarquer très justement que ces intellectuels ne font pas partie de catégories de population dans des situations telles qu'ils peuvent en venir à détester le système dans lequel ils vivent. En outre, il est probable qu'ils ne souhaiteraient pas vivre sous d'autres lois que les nôtres. [...]
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