L'histoire du suffrage universel ne peut être vue comme le point de départ, l'avènement du régime représentatif. Ainsi, comme l'écrit Olivier Ihl, la chronologie semble plus ancienne que ce qu'il n'y paraît. Les premières assemblées représentatives élues virent le jour dès la sortie du Moyen-Age et ce n'est qu'avec les débuts de la Révolution post-industrielle que le suffrage fut limité. En effet, les hommes ne pouvaient voter s'ils ne s'acquittaient pas d'un impôt: le cens. Par conséquent, pour que le principe « un homme, une voix » qui nous apparaît aujourd'hui comme naturel et évident soit admis il fallut « que la valeur de l'individu soit reconnu à part entière ». Il semble nécessaire de s'intéresser et de revenir sur les tâtonnements et les résistances qui l'ont accompagné.
C'est en tous les cas la thèse que défend Eric Phélippeau dans son ouvrage socio-historique « L'invention de l'homme politique moderne : Mackau, l'Orne et la République » paru en 2002. Il est actuellement maître de conférence à l'université Paris X Nanterre et fait parti du Groupe d'Analyse Politique. De plus, il s'est, très tôt, intéressé à la professionnalisation politique. En effet, l'ouvrage que nous avons ici à étudier n'est autre qu'un condensé de sa thèse de doctorat de science politique soutenue le 10 janvier 1996 qu'il intitula « Le baron de Mackau en politique. Contribution à l'étude de la professionnalisation politique ».
L'avènement du suffrage universel ne signifie pas la disparition de l'influence et de la présence des notables ni de permettre aux couches nouvelles d'accéder automatiquement à des charges électives. Dans cette optique, Eric Phélippeau, se revendiquant comme disciple de Nobert Elias, refuse une « tentation positiviste ».
Cet ouvrage se cantonne à une période bien précise définie par les dates d'entrée et de fin de la carrière politique du personnage central, le Baron de Mackau, c'est-à-dire 1866-1918.
Par conséquent, dans quelles mesures cette étude socio-historique sur la professionnalisation politique nous renseignant sur le caractère hybride que vont prendre les savoirs-faire mis en œuvre dans la conquête des suffrages nous permet-elle d'éclairer le présent?
Nous verrons, de prime abord, que cet ouvrage montrant l'apprentissage du suffrage universel (I) par sa méthode socio-historique (A) nous dévoile les composantes de la professionnalisation politique (B).
Finalement, nous démontrerons que Phélippeau s'oppose à une lecture trop linéaire de la « fin des notables » (II) en d'autres termes, en quoi le caractère hybride que prennent les savoir-faire électoraux (A) sont toujours d'actualité (B).
[...] Phélippeau nous démontre alors que l'opposition entre Alexandre Millerand, fils d'un drapier, et Armand De Mackau, héritier d'une longue lignée, n'a pas forcément lieu d'être. Elle doit être, du moins, relativisée. Ce premier doit aussi faire face à de nombreuses sollicitations clientélaires et avoir recours à des agents électoraux L'auteur parle de lui comme d'un homme politique de métier en quête de notoriété Il acquiert peu à peu un carnet d'adresse et donc d'un capital relationnel. B. qui est toujours d'actualité ? [...]
[...] Cela aurait pourtant était utile d'en discuter et de voir les pensées politiques du Baron. Deloye utilise aussi une méthode socio- historique en recherchant dans des archives. Dès le 5 mars un décret organise le suffrage universel. La profession de foi devient un acte de revendication par excellence. L'auteur nous inventorie les différents critères et les titres invoqués pour justifier l'engagement dans cette compétition. Nombreux sont ceux qui insistent sur leur enracinement local. La proximité géographique légitime donc la candidature. Deloye parle de patriotisme communautaire Pour représenter, il faut partager une histoire commune. [...]
[...] Jean Joana, auteur de Pratiques politiques des députés français au XIX° siècle : du dilettante au spécialiste voit le salon comme un lieu d'apprentissage mondain. Il y a donc une assimilation entre le savoir-vivre et le savoir-faire politique. Par conséquent, l'héritage de la société de Cour contribue à structurer le rapport que les membres du milieu dirigeant ont avec l'activité politique. La maîtrise des règles de savoir-vivre devient une ressource politique. La fin des notables pour reprendre le titre de l'ouvrage datant de 1929 de Daniel Halévy, n'est pas si claire et explicite que le prétendent d'autres auteurs. [...]
[...] Ainsi, peu de politistes français utilisent l'argent pour éclairer les élections et surtout les résultats. Seul Phillipe Braud, dans Le suffrage universel contre la démocratie mentionne rapidement les différents budgets types des campagnes et s'intéresse à la question des recettes et des dépenses. Il s'agit donc d'une approche originale qui nous permet de voir les liens créés grâce à l'argent. La description de la querelle entre le duc Audiffret-Pasquier et le baron de Mackau montre que la fortune surplombe peu à peu les titres. [...]
[...] Le recrutement parlementaire de la Vème est bien différent. Il faut donc remarquer la rapide croissance de la représentation de deux catégories : les industriels et les hauts fonctionnaires[17]. Par conséquent, la relève du personnel politique s'avère bien plus complexe qu'une simple fin des notables Bien que ceux-ci ne représentent plus que 10% du personnel parlementaire contre 34% en 1871. La haute bourgeoisie n'a guère reculé ( et 30% en 1919). Les classes modestes, quant à elles, demeurent sous représentées ne dépassant pas les 15% de 1910[18]. [...]
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