C'est avec l'affaire Dreyfus qu'émerge à la fin du 19ème siècle le label d'intellectuel. Ce terme s'impose alors pour désigner des individus non-politiques qui, publiquement, défendent l'idée d'une République progressiste, sans que cela soit leur fonction. Tel sera leur rôle par la suite; faire connaitre la Vérité au pouvoir au nom des opprimés, au nom de la Justice et de la Dignité. Ils se sont donc appuyés sur les idées républicaines et de gauche, à tel point que dire "un intellectuel de gauche" était un pléonasme. Leur émergence n'a toutefois été possible que grâce au nouveau système de communication mis en place à l'époque, surtout grâce à la presse de masse et aux journalistes, avec lesquels ils ont par la suite entretenus des relations conflictuelles, par souci d'indépendance. Cependant, ces rapports ont aujourd'hui beaucoup évolué. Les journalistes ont obtenu un grand pouvoir de fabrication de l'opinion publique, cela depuis l'affaire Dreyfus, qui consacra la presse 4ème pouvoir. Mais aujourd'hui, par la multiplication des méthodes de communication, (presse écrite, télévision, radio, internet), ils ont un impact plus important encore qu'à la fin du 19ème siècle.
Les intellectuels se sentant contraints d'essayer de protéger la publication et la promotion de leurs ouvrages, et les médias étant capables de propulser même une œuvre sans aucune qualité ou valeur au niveau de bestseller, on assiste alors de nos jours à un renversement du rapport de force entre intellectuels et journalistes. Il peut donc être intéressant de caractériser ce sur quoi est fondé ce renversement des rapports de force. On se demandera donc quelles sont les conséquences des transformations dans les rapports entre intellectuels et journalistes.
Après avoir observé comment ont évoluées les relations entre journalistes et intellectuels, il s'agira d'étudier les conséquences de ces transformations.
[...] Toutefois, il semblerait qu'ils aient versé dans l'autre excès, c'est-à-dire de vouloir absolument atteindre le peuple et se faire connaitre, et ce, par les médias, au prix de leur indépendance. Ayant vu les conséquences de l'évolution des rapports entre journalistes et intellectuels, on est vite enclin à penser qu'il ya déclin voire disparition des intellectuels en France. Il faudrait cependant peut-être, comme le suggère Michel Foucault, réélaborer la fonction de l'intellectuel, qui n'est plus celle du début du 20e siècle; il faudrait prendre en compte les évolutions pour établir une nouvelle définition, en accord avec notre temps. [...]
[...] Les intellectuels en besoin de publicité vont offrir en échange leur prestige et leur crédibilité, tandis que les journalistes vont offrir une grande place aux travaux des intellectuels dans leurs journaux. Lorsque des groupes vont obtenir des tribunes dans le quotidien même, comme la page mixte Le Monde/La république des idées, ils cèdent une partie de leur indépendance, laissant à des groupes engagés la possibilité de diffuser leurs idées. Ce trafic de faveurs ne peut donc que réduire leur indépendance. [...]
[...] Un exemple amusant du résultat que cela peut donner serait celui de Nicolas Sarkozy, qui lors d'un entretien, en présence du philosophe Michel Onfray, en Avril 2007, voulut dire quelque chose qu'il pensait intelligent ou profond, et affirma qu'il était " [enclin] à penser qu'on naît pédophile". Le journaliste s'invite donc à des débats, des colloques, des entretiens et interviews afin de se trouver une légitimité. Le texte présente un autre exemple de cette avidité des journalistes à être en compagnie d'intellectuels, vrais ou faux. [...]
[...] Or, comme l'écrit Pierre Rimbert, la nécessité que ressentent les journalistes de s'entourer d'intellectuels leur sert avant tout de cache-misère intellectuel est illustre bien le fait qu'ils sont aussi en déclin, qu'ils ont besoins des autres pour se redonner une légitimité qui leur fait défaut. Misère intellectuelle, caractérisée par une critique et analyse, nécessaire pour écrire un bon éditorial, appauvrie. Cette conséquence est observable lorsque l'on compare par exemple le journalisme américain au journalisme français. Tandis qu'en Amérique les journalistes parviennent après de minutieuses recherches et investigations à faire la lumière sur des affaires comme Watergate ou "l'Iran gate", en France, le journalisme ne possède pas un tel niveau d'indépendance, comme nous l'avons vu avec l'affaire Mazarine, ou certains journalistes au courant de l'affaire ne l'ont pas divulgué. [...]
[...] Les intellectuels en politique (Texte: Pierre RIMBERT, "Les rapports entre journalistes et intellectuels: cul et chemise C'est avec l'affaire Dreyfus qu'émerge à la fin du 19e siècle le label d'intellectuel. Ce terme s'impose alors pour désigner des individus non- politiques qui, publiquement, défendent l'idée d'une République progressiste, sans que cela soit leur fonction. Tel sera leur rôle par la suite; faire connaitre la Vérité au pouvoir au nom des opprimés, au nom de la Justice et de la Dignité. Ils se sont donc appuyés sur les idées républicaines et de gauche, à tel point que dire "un intellectuel de gauche" était un pléonasme. [...]
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