Bertrand Badie, diplômé de l'Institut d'Etudes Politiques de Paris, docteur et agrégé en sciences politiques, chercheur au CERI, est spécialiste des relations internationales, et, plus particulièrement, de la sociologie des relations internationales. Faisant figure de référence dans sa discipline, ses thèmes d'étude privilégiés concernent la remise en cause de l'Etat sur la scène internationale, de part la perte de pertinence de ses composantes fondamentales (à savoir ici la souveraineté et le territoire), l'émergence de nouveaux acteurs non-étatiques et l'effacement progressif des identités nationales au profit de nouvelles identités davantage transnationales. Les deux Etats (1987), Le retournement du monde (1992) et La fin des territoires (1995) s'inscrivent dans cette logique.
Dans la même optique, L'impuissance de la puissance s'intéresse à la question de la remise en cause actuelle de la puissance sur la scène internationale ; c'est-à-dire, du passage d'un monde hobbesien fondé sur l'Etat et la puissance, à un monde où la puissance est contestée et où l'Etat est concurrencé.
Dans un premier temps, nous résumerons l'ensemble de l'ouvrage, en suivant la démarche adoptée par l'auteur, avant d'apporter un regard et une analyse plus critiques dans une seconde partie.
[...] Face à un unilatéralisme qui coûte de plus en plus cher et qui rapporte moins, le multilatéralisme apparaît comme une alternative attrayante. Néanmoins, l'auteur s'intéresse à un dernier facteur supplémentaire qui vient s'opposer à la puissance : l'irruption progressive de la société civile internationale dans le débat. Cette irruption s'explique en particulier par la diffusion dans la population de nouveaux moyens d'information, d'abord dans les années 1950 avec la généralisation du téléphone et de la télévision, et davantage encore aujourd'hui avec Internet et les NTIC. [...]
[...] Dans la première partie, l'auteur revient sur les fondements de la perspective réaliste des relations internationales, qui trouve son origine chez Hobbes. Au cœur du système international depuis les Traités de Westphalie de 1648, les Etats sont désireux d'assurer leur sécurité, et pour ce faire, ils cherchent à accumuler le plus de puissance possible. La lutte de puissance entre les gladiateurs hobbesiens est alors l'élément structurant de la scène internationale. L'équilibre des puissances (la balance of power de Hans Morgenthau) permet d'assurer la stabilité internationale, comme ce fut le cas, par exemple, au 19ème siècle avec le Concert européen ou après la Deuxième Guerre Mondiale, la Guerre Froide reposant sur l'antagonisme entre deux blocs : les alliances qui s'y forgent (OTAN et Pacte de Varsovie) permettent à l'hégémon régional de contrôler ses alliés et de s'opposer à des ennemis clairement identifiés. [...]
[...] Ainsi, la puissance militaire est totalement remise en question. Cette remise en cause entraîne la nécessité d'adapter l'analyse à cette situation, le réalisme n'étant alors plus suffisamment pertinent. De cet état des lieux de la remise en cause historique de la puissance sur la scène internationale, l'auteur en arrive donc à l'idée que dans le monde de l'après-Guerre Froide, la puissance n'est plus d'actualité, ce qui fait l'objet de la deuxième partie du livre. La bipolarité assurait la stabilité, en imposant l'hégémon régional comme protecteur de ses alliés et en identifiant précisément les ennemis. [...]
[...] Dès lors, on ne se trouve plus dans une situation où s'opposent les puissances, où l'une doit l'emporter sur l'autre, mais dans une situation où l'objectif de mettre à mal cette puissance, sans espoir de pouvoir la vaincre. En effet, la puissance est de plus en plus critiquée, comme le souligne actuellement la gestion post-conflit en Irak. L'important devient alors l'autonomie, ce qui explique l'essor des acteurs libres en souveraineté (pour reprendre l'expression de James Rosenau). Cette recherche de l'autonomie s'explique par le fait qu'il est devenu plus coûteux et moins rentable de se soumettre à l'hégémon (ce que montre la situation dans laquelle se trouvent les alliés des Américains en Irak et en Afghanistan). [...]
[...] Cette puissance, même limitée, n'est pas sans influence sur la scène internationale, puisque Badie y voit une des sources principales des migrations internationales, des phénomènes de macrocéphalie ou encore du développement de réseaux islamistes transnationaux. Face à ces phénomènes, le gladiateur hobbesien doit s'adapter et recourir davantage au soft power (par opposition au hard power militaire, cf. II) pour imposer son leadership. Pour ce faire, la diffusion des valeurs et de la culture de l'Etat s'avère le meilleur moyen pour y parvenir. [...]
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