Les travaux de Pierre Rosanvallon (1948- ), historien et intellectuel français, portent essentiellement sur l'histoire de la démocratie et du modèle politique français, sur le rôle de l'Etat et la question de la justice sociale dans les sociétés contemporaines.
« L'histoire du mot démocratie à l'époque moderne », article publié dans l'ouvrage collectif Situations de la Démocratie de M. Gauchet, P. Manent et P. Rosanvallon en 1993, retrace l'évolution sémantique du mot démocratie depuis le XVIIe siècle jusqu'à nos jours afin d'esquisser les processus par lesquels le principe de la démocratie s'est inséré au coeur même de la société, comment ce type de régime s'est installé et est unanimement accepté. Rosanvallon montre comment le terme « démocratie » a reveti plusieurs sens au cours des derniers siècles, aussi bien péjoratifs que mélioratifs, renvoyant tant à des régimes politiques qu'à des phénomènes sociaux... On constate que le sens du mot démocratie évolue toujours au gré de deux problématiques centrales : celle du vieux et du neuf et celle de la représentation/législation directe.
[...] Ainsi pour Montesquieu pour qu'il y ait démocratie il ne peut y avoir élection, mais uniquement tirage au sort qui est une façon d'élire qui n'afflige personne (De l'Esprit des Lois, livre II, chap. 2). Rousseau est d'accord avec ce principe. Il est important de noter que la démocratie telle que théorisée par les deux auteurs renvoient de leur propre aveu à un idéal type, bien que cet idéal type ait déjà été mis en œuvre par le passé. Et surtout c'est un idéal type qui n'est pas en prise avec les enjeux de leur époque. [...]
[...] C'est pourtant à cette époque qu'un tournant se produit. La démocratie n'est plus associée à un régime politique (qui plus est antique), mais désigne la société égalitaire moderne, c'est donc le sens sociologique qui prend le pas sur le reste. Rosanvallon affirme que le mouvement sémantique est accompli en 1835 lors de la publication de La Démocratie en Amérique par Tocqueville. Ce mouvement sémantique s'est fait progressivement durant les décennies précédentes avec les différents aspects qu'a pris le terme démocratie qui renvoyait à la fois à l'idée d'effervescence sociale, mais aussi au principe d'égalité des conditions (p.50). [...]
[...] Progressivement l'usage du mot démocratie va apparaître dans les discours et en particulier sous l'impulsion du culte de l'Antiquité qui se fait jour après la Révolution française et sous Robespierre notamment. Mais Rosanvallon souligne que ça ne saurait être la seule raison. L'émergence du mot démocratie dans le discours est aussi le corollaire du peuple devenant un enjeu politique central. Robespierre dans son discours du 5 février 1794 va répandre plus largement l'idée développée plus tôt par Argenson que la démocratie ne suppose pas la législation directe du peuple, mais accepte aussi dans sa définition l'idée de représentation. [...]
[...] L'histoire du mot démocratie à l'époque moderne - Pierre Rosanvallon Les travaux de Pierre Rosanvallon (1948- historien et intellectuel français, portent essentiellement sur l'histoire de la démocratie et du modèle politique français, sur le rôle de l'Etat et la question de la justice sociale dans les sociétés contemporaines. Il occupe depuis 2001 la chaire d'histoire moderne et contemporaine du politique au Collège de France tout en demeurant directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Il a été l'un des principaux théoriciens de l'autogestion associée à la CFDT. [...]
[...] Toutefois, cette nouvelle définition ne s'installe pas dans les esprits et le mot démocratie conserve encore longtemps sa connotation antique. La démocratie reste même longtemps connotée péjorativement, car elle renvoie à l'utopie, l'archaïsme, l'anarchie. On continue de l'associer au principe du peuple législateur, magistrat, notamment chez Sieyes et Brissot qui insistent toujours sur le caractère primitif et précaire de la démocratie, et ceci effraie plus que ne suscite l'adhésion. La démocratie se définit toujours par le principe de législation directe du peuple et non de représentation c'est pour cela qu'on lui préfère la République qui elle est associée à la représentation (voir T. [...]
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