Des enclosures à la Révolution Industrielle, Karl Polanyi discute dans ce chapitre la construction de la société capitaliste, et ses acteurs et fondements réels. De fait pour lui, à l'origine de la Révolution Industrielle et du mouvement qui entraine les sociétés occidentales à partir du XVIIe siècle est l'émergence d'une économie de marché, à laquelle l'Etat n'est pas réellement en mesure de s'opposer, simplement d'influer sur son rythme. Le changement majeur est la transformation de la logique de la subsistance en logique du gain d'où la réalisation du système de marché. Le marché est ainsi fin XVIIIe autorégulateur et l'Etat ne doit pas s'y impliquer, les prix de marché régulant l'offre et la demande. La sphère économique est désormais séparée de la sphère politique, et c'est dans cette modification de la place de l'économie au sein de la société que réside le réel bouleversement, ce qu'il souligne notamment à l'aide de l'exemple des sociétés qualifiées de primitives comme la Kula mélanésienne, où le troc constitue la majeure partie du commerce. Ainsi, en réponse à ceux qui affirment que l'économie en tant que telle n'est apparue qu'avec la monnaie et le capitalisme, il démontre que l'homme étant un être social, les échanges économiques ont toujours existés. A la différence près que dans les sociétés primitives, puis plus ou moins dans l'ordre féodal, l'ordre économique est assuré par les valeurs de réciprocité et de redistribution qui mènent à une division non marchande du travail et à une organisation fondée sur la symétrie entre les dons ou les échangeurs. En fait, la réelle transformation capitaliste ne vient ni de la mécanisation ni de l'industrialisation en soi mais du fait que l'économie qui était avant fonction de l'organisation sociale n'en est plus dépendante mais au cœur de celle-ci.
Par l'exemple de l'Angleterre du XIXe, il explique comment la marchandisation du facteur travail a réellement permis à la société de marché de naître, et donc à l'économie de marché de prospérer puisqu'elle est à la fois son soutien et sa justification. De fait, c'est l'abolition des allocations minimum du Speenhamland – « droit de vivre » des pauvres – qui met en marche la libre circulation des individus au gré des besoins productifs. Il n'y a plus d'intermédiaire entre travailleurs pauvres et propriétaires des moyens de production : on assiste alors à la prise de pouvoir de la « bourgeoisie » sur le prolétariat, dont la force de travail est désormais l'unique ressource. C'est pourquoi paradoxalement, malgré la prospérité globale entrainée par la libéralisation de l'économie, l'effet sur la paupérisation des masses travailleuses est clairement néfaste
[...] "La Grande Transformation", de Karl Polanyi. Deuxième partie : Grandeur et Décadence de l'économie de marché Satanic Mill ou la fabrique du diable Des enclosures à la Révolution Industrielle, Karl Polanyi discute dans ce chapitre la construction de la société capitaliste, et ses acteurs et fondements réels. De fait pour lui, à l'origine de la Révolution Industrielle et du mouvement qui entraine les sociétés occidentales à partir du XVIIe siècle est l'émergence d'une économie de marché, à laquelle l'État n'est pas réellement en mesure de s'opposer, simplement d'influer sur son rythme. [...]
[...] Clé de la croissance pour les économistes classiques, la soumission de tous les facteurs de production aux lois du marché méprend toutefois le caractère individuel et donc moins prévisible du facteur travail. En effet, même si l'Act of Settlement qui immobilisait le travailleur dans sa paroisse, ou le Speenhamland qui confinait à terme même l'ouvrier volontaire –«pauvre méritant à l'état d'indigence, n'étaient pas adaptés, les protections sociales des individus ont leur raison d'être. Si on considère que les bourgeois possédants ne représentent que l'infime minorité, leur intérêt ne peut totalement prévaloir sur celui de la masse ouvrière, puisqu'elle peut par son nombre révolutionner le système en place. [...]
[...] Avec surprise, j'ai beaucoup apprécié la lecture de La Grande Transformation. L'abondance d'exemples et d'illustrations originales tels que les exemples des sociétés primitives, preuves de recherches fouillées de la part de l'auteur, rendent la théorie économique moins indigeste que si elle était assenée en masse sans références à des faits concrets. Néanmoins, et c'est ce que j'ai trouvé regrettable, on dirait que chaque chapitre a été construit indépendamment de ceux qui l'entourent, ce qui donne lieu parfois à certaines redondances ou digressions dans le fil du développement. [...]
[...] Le fond de l'argumentation nécessite de fait au final un effort de synthèse et d'assemblement de la part du lecteur. Au niveau de la forme, qui m'a personnellement parfaitement convenu, on peut toutefois reconnaître une tendance périodique à une emphase mélodramatique qui pourrait selon certains nuire à la crédibilité de la réflexion. La lecture des déboires de ces pauvres paysans donne donc parfois l'impression de se laisser narrer davantage l'histoire de l'économie que l'histoire économique. [...]
[...] De même, on déduit des affirmations de Polanyi que l'origine du marché est dans le commerce international, du fait de la localisation géographique des biens et de la division du travail qui en résulte. Néanmoins, la connexion des marchés entre eux n'a pas été spontanée dans l'histoire économique et d'ailleurs le commerce extérieur n'incluait pas forcément la notion de marché. En cela –théoriquement et pas nécessairement idéologiquement parlant- il rejoint sur certains points l'avis de Lénine dans L'impérialisme, stade suprême du capitalisme. [...]
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